Didier Lestrade, co-fondateur d'Act Up, l'association de lutte contre le Sida, en 1989, puis du journal Têtu, en 1995, a récemment publié des Mémoires (1958-2024) aux éditions Stock. Il est l'invité de Julien Théry pour ce nouveau numéro d'On s'autorise à penser. Entretien sans concession.

Pour Didier Lestrade, dont le livre Pourquoi les gays sont passés à droite (Le Seuil, 2012) avait suscité la controverse, le militantisme gay ne peut qu'être ancré profondément à gauche et implique le soutien à toutes les minorités, y compris et surtout aux colonisés. Il y aurait malheureusement aujourd'hui de quoi écrire une longue suite à ce livre, estime-t-il, tant la cause des homosexuels est utilisée pour promouvoir des politiques réactionnaires. C'est après la publication dans Têtu d'un entretien dans lequel le ministre socialiste-macroniste Olivier Dussopt révélait son homosexualité de façon à mieux soutenir la réforme des retraites dont il était chargé que Didier Lestrade a décidé de cesser d'écrire pour ce magazine en 2023. 

Né en Algérie dans une famille de colon, Didier Lestrade s'est très tôt senti solidaire des peuples en lutte pour leur libération. D'où son refus de la stratégie du "pink washing" adoptée de longue date par la propagande sioniste, et son engagement sans réserve en faveur des Palestiniens victimes d'une entreprise génocidaire de la part de l'Etat d'Israël avec la complicité de l'Occident. "Notre génération s'est fait avoir par le discours sioniste", considère-t-il rétrospectivement. "Il y a dans cette guerre une violence et une perversion que l'on avait pas vues depuis longtempts, souligne-t-il et, pour lui, "ce qui se passe en Palestine définit notre temps". 

Didier Lestrade revient aussi notamment sur la controverse qu'il a eue au début des années 2000 avec l'écrivain #GuillaumeDustan, lorsque ce dernier s'est efforcé de soutenir la mode du "bareback", c'est-à-dire des relations sexuelles non protégées pour les séropositifs, par lassitude de l'usage du préservatif. Il est aussi question dans cet entretien de l'histoire du magazine Têtu, fondé grâce au soutien de Pierre Bergé, milliardaire proche du PS... lequel a fini par licencier D. Lestrade de son emploi de journaliste, en 2008, parce que ce dernier faisait preuve de trop d'indépendance. D. Lestrade a fondé alors le site Minorites.org (2009-2014). 

Remerciements à Rodrigue Ducourant.