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USA : Make Elections great again

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USA : Make Elections great again

“Make elections great again”, le podcast du Média qui vous propulse, avec humour et précision, au cœur de l’élection présidentielle américaine...

BLM : une histoire des luttes sociales afro-américaines

Depuis plus d’un mois et le décès de George Floyd, des milliers de citoyens américains se mobilisent à nouveau dans plus de 450 villes américaines sous le slogan Black Lives Matter. Ce mouvement, né en 2013 suite à l’acquittement du policier qui avait tué un adolescent, Trayvon Martin, est d’ampleur inédite pour certains. Pourtant depuis les mobilisations d’esclaves américains pour demander la fin d’esclavage à celles contre la ségrégation ou pour l’égalité des droits, elles se prolongent dans l’histoire du pays jusqu’à nos jours. L’occasion de chercher à comprendre en quoi cet héritage nous éclaire sur les luttes actuelles et au delà, sur les enjeux électoraux en cours...

Il s'appelait George Floyd. Le 25 mai dernier à Minneapolis, dans le Minnesota, cet homme afro-américain meurt suite à sa rencontre avec quatre policiers. Alors qu’il se trouvait dans sa voiture il est d’abord menotté. Au sol, il subit un plaquage ventral avant qu’un des policiers exerce de son genou une pression prolongée sur son cou pendant près de neuf minutes. Interminables. L’autopsie révélera une asphyxie cérébrale ayant entrainé sa mort.

George Floyd, Breonna Taylor, Trayvon Martin, Michael Brown, Tamir Rice, Keith Lamont. Ces noms viennent s’inscrire au bas d’une longue liste de victimes du racisme mais viennent aussi faire écho à celle des figures de l’histoire des luttes sociales afro-américaines. Les mobilisations des noirs américains sont quasiment aussi anciennes que le pays lui même voir le précèdent.

Une histoire enracinée dans la lutte contre l’esclavage

L'esclavage commence avec l'installation des premiers colons britanniques en Virginie, qui importent avec eux “l'indenture”, le contrat de domesticité volontaire (besoins pris en charge mais sans salaire réel) alors courant en Europe et utilisé au départ par les puissances coloniales européennes pour peupler les Amériques. Progressivement, sous l’effet d'évolutions législatives successives, un esclavage à fondement racialiste s'institutionnalise dans la seconde moitié du XVIIe siècle. En réaction, à la fin du 18e siècle les premières mobilisations d’esclaves américains éclatent afin de conquérir la liberté ou des territoires. Selon l’historien marxiste Herbert Aptheker près de 250 révoltes émailleront ainsi l’histoire du pays au fil des siècles.

En 1787 l'ordonnance du Nord-Ouest votée par le Congrès de la Confédération américain entraîne la formation du premier territoire organisé par les États-Unis et interdit l'esclavage dans le territoire. Elle établit alors une limite de fait entre les États esclavagistes et les autres. L’esclavage disparaît alors progressivement du nord au début XIXe siècle. 
En 1808 la traite négrière transatlantique est interdite au congrès. Les noirs américains libres du nord et les évadés du sud, se mobilisent alors pour tenter mettre fin à l’esclavage dans les états du Sud.

Mais c’est véritablement lors de la guerre de sécession, que certains hommes politiques du parti républicain et les militants noirs nord-américain réussissent à transformer le sens de la guerre, au départ menée par le président Lincoln sur la seule question de la sécession avec les états confédérés, dans le sens d’une guerre contre l’esclavage. Les onze états sécessionnistes comptent alors 4 millions d’esclaves. En 1865, à la sortie de la guerre, l’esclavage est officiellement aboli par l’adoption du 13e amendement à la constitution américaine. 

De la lutte contre la ségrégation raciale à la bataille pour les droits civiques

L’époque de “la reconstruction”, marquée une alliance entre le parti républicain du Nord et les afro-américain pour abolir toute trace de l’organisation sociale inégalitaire qui régnait alors dans les états du Sud, sera de courte durée. A la fin des années 1870 quand l’État fédéral, à majorité blanche reprend le pouvoir politique dans les états du Sud, sont mises en place ce que l’on va nommer les lois Jim Crow, caractérisées essentiellement la ségrégation physique des deux communautés dans l’espace public et la privation du droit de vote pour la très grande majorité des noirs-américains dans le sud. Il faudra alors attendre la 1ère guerre mondiale, un important mouvement de migration des noirs-américains du sud vers le nord et la participation d’un certain nombre d’afro-américains à la guerre pour voir réapparaître des luttes pour les droits civiques parfois accompagnées de revendications autonomistes et autour de la dignité de la culture noire, via le mouvement de Marcus Garvey par exemple.

Après accalmie relative, l’activisme africain-américain se renforce à nouveau lors de la crise des années 30 et ses conséquences économiques dramatiques pour la communauté. Avec l’aide du parti communiste américain, qui a pour idée que le combat anti capitaliste est aussi un combat antiraciste, un grand nombre d’organisations pour les droits politiques et civiques des noirs américains voient le jour et un syndicalisme multiracial se crée notamment dans les régions industrielles du nord-est des Etats-Unis. Mais c’est véritablement avec la seconde guerre mondiale que les militants africains américains remporteront ce qu’ils appelleront une “double victoire”.

Ils se saisissent en effet de la contradiction manifeste d’un pays qui pratique la ségrégation institutionnalisée, le racisme et qui en même temps combat le totalitarisme et le racisme nazi. Dans le prolongement du conflit, le mouvement pour les droits civiques se renforce s’enracine, se développe et devient visible pour la majorité des Américains dans les années 1950 et 1960. Entre 1954, date à laquelle la cour suprême condamne la ségrégation scolaire, jusqu’en à 1963, la grande marche de Washington où Martin Luther King prononce son célèbre discours I have Dream, les luttes les plus emblématiques se succèdent.

Réformistes et radicaux, les alliances possibles

Mais si on oppose traditionnellement Martin Luther King à Malcom X et ce moment d’apogée du mouvement pour les droits civiques à une 2ème période marquée par une explosion de violences, des émeutes et d’assassinats comme celui de Martin Luther King en 1968, l’opposition entre ces deux courants militants n’est pourtant pas pertinente.

La stratégie réformiste non-violente telle qu’elle est symbolisée par Martin Luther King et la tendance plus radicale symbolisée par le Black Panther mouvement qui se serait imposé ensuite, ne peuvent pas se penser comme une succession de stratégies différentes. En étudiant l’histoire des mobilisations africaines-américaines on s’aperçoit en fait qu’il existe depuis très longtemps des formes de stratégies qui s’opposent parfois, mais se retrouvent à d’autres, co-existent voir se coordonnent dans des mouvements pour défendre l’égalité raciale. Des militants favorables aux actions radicales et les stratégies de conciliation coexistent dès le début du XXe siècle et durent tout au long de la période.

La question de l’autodéfense armée par exemple, dont on a souvent l’impression qu’elle apparaît dans la seconde partie des années 60 (avec ces images iconiques des Black Panther en armes avec leurs uniformes paramilitaires) est une vieille tradition des noirs sudistes face à la violence extrême d’une partie de la population blanche. Ces mouvements d’auto-organisation s’étaient développées face à la violence du Klu Klux klan, y compris depuis les années qui ont suivi la guerre de sécession. A l’inverse, Martin Luther King, symbole de la non-violence était conscient de l’attachement des afro-américains du sud à ce droit de porter des armes et ayant subi plusieurs attaques terroristes chez lui, il avait lui-même à son domicile une carabine chargée en cas de besoin. Ces différentes stratégies peuvent donc être utilisées à différents moments et on voit des rassemblements d’organisations très différentes qui se retrouvent sur les enjeux alors même qu’ils sont capables de se diviser sur la stratégie.

L’évolution Black Lives Matter

Dans la lignée de cette tradition militante, le mouvement Black lives matter mobilise depuis plus d’un mois des milliers de citoyens américains dans plus de 450 villes. Ce réseau dispersé à l’échelle du pays regroupe des organisations qui existaient déjà et d’autres qui se sont créés dans la foulée de ces morts violentes qui ont secoué les États-Unis. Mouvement pluriel et horizontal, né d’internet et de réseau sociaux il marque aussi par certaines nouveautés en comparaison avec ses prédécesseurs. S’il dénonce en premier lieu le racisme, le mouvement BLM véhicule aussi l’idée que le racisme n’est pas simplement une question psychologique d’un individu mais une organisation de la société qui a des effets racistes. L’idée que l’on peut ne pas être raciste mais participer à un système qui produit des effets de discrimination.

Aux Etats-Unis un homme afro américain sur trois fera de la prison. Un tiers des détenus sont noirs alors qu’ils constituent 11% de la population. Le patrimoine moyen des afro-américains est 10 fois moins important que le patrimoine des blancs, taux de chômage double, le revenu moyen 40% plus bas. Le mouvement Black live Master cherche donc à lier les discriminations entre elles, le racisme aux discriminations de genre et aux questions sociales, afin de les resituer dans leurs fonctions sociales... Et si les images de l’incendie du commissariat de Minneapolis ont ravivé les débats sur les stratégies militantes outre-atlantique, l’attaque du siège de CNN à Atlanta en Georgie montre bien qu’au delà des violences policières, les inégalités sociales accentuées par la crise du covid sont toujours sources de colère. A quelques mois de la désignation d’un nouveau président, l’enjeu est donc de taille.

Un sujet central de l’élection présidentielle ?

Les USA sont désormais face à deux scénarios possibles. Le premier et le plus probable, laisserait penser que cette question du racisme, des inégalités, va être sur le devant de la scène politique pendant un certain nombre d’années. Un nouveau cycle politique ouvert par la présidence d’Obama, et les mobilisations actuelles laissent penser que le sujet va être débattu politiquement et favoriserait plutôt les démocrates et l’élection de Joe Biden à la présidentielle.

L’autre scénario, qui semble à ce jour moins probable mais demeure possible, serait une sorte d’épuisement de la lutte, d’exaspération progressive d’un certain nombre d’électeurs américains, conservateurs notamment, si le mouvement durait trop longtemps ou s’il était caractérisé par des manifestations violentes. Cela permettrait peut-être à Donald Trump de se présenter comme le candidat de la loi et de l’ordre, c’est ce qu’il a déjà essayé de faire il y a quelques semaines, multipliant les déclarations sur “la loi et l’ordre” ou les accusations envers les antifas, semble-t-il sans grand effets.

Toujours en difficulté, les récents sondages donnent sa cote de popularité légèrement en baisse avec seulement 35 % des seulement des Américains qui approuvent son action. Mais Joe Biden qui était ami avec des sénateurs ségrégationnistes et qui a pris un rôle important dans la mise en place des politiques judiciaire d’incarcération de masse et de répression policière, n’a pas forcément intérêt à porter les débats sur ce terrain périlleux pour son image. Les mobilisations sur l'été et les mois qui nous séparent du scrutin de novembre prochain décideront donc de la suite.

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