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L'instant Porcher

Thomas Porcher, économiste, signataire du manifeste des Économistes atterrés, et auteur de nombreux essais dont « Les Délaissés » et « Traité d’économie hérétique » débunke chaque semaine, sur le plateau du Média, les fausses évidences des gardiens du temple néolibéral. À l'occasion, d'autres économistes et praticiens de l'économie viennent répondre aux questions du Média dans le cadre de ce module.

Budget 2024 : Français, attendez-vous à souffrir

Le projet de loi de finances pour 2024 a été présenté par Bruno Le Maire il y a deux semaines, et sera débattu avant la fin de l’année au Parlement. Alors ça paraît loin de nous comme ça, le “PLF”, mais c’est finalement ce qui guide les orientations pour nos vies au quotidien : dans quoi on décide d’investir, ou non, ou dans quoi on décide de faire des économies. Et vous avez l'habitude de l’entendre, pour le gouvernement, l’heure est une nouvelle fois aux… économies.

 Ce qu’on appelle la fameuse “maîtrise de la dépense”, que le PLF définit comme prioritaire. “L’année 2024 doit être celle de la baisse du déficit, pour s’inscrire dans la trajectoire de retour sous les 3 % en 2027 et de réduction de la dette à 108,1 % en 2027.” peut-on lire. Le projet vise des économies à hauteur de 16 milliards d’euros. Économies réalisées grâce à la fin des boucliers tarifaires ou encore “la mise en place de réformes structurelles”. Trois chantiers sont prioritaires pour l’État : L’armée-police-justice avec une hausse de 4 milliards d’euros. La transition écologique avec 7 milliards supplémentaires. L’éducation et la formation avec 5,5 milliards. D’autres orientations dont se vante le gouvernement dans les premières pages en pêle-mêle : Une indemnité carburant travailleur de 100 euros devrait être mise en place à partir de janvier 2024, ciblée sur les 50 % des travailleurs les plus modestes, 1,5 milliard pour l’accessibilité et ma prime adapt’ pour l’accessibilité aux personnes handicapées pour les logements, Les étudiants verront leurs bourses revalorisées de minimum 37 euros par mois et les barèmes seront revalorisés aussi, Revalorisation salariale dans la fonction publique, Lutte contre la fraude fiscale et sociale, Augmentation du montant de la dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales de plus de 200 millions d’euros. Les dotations de péréquation (qui vont aux collectivités les plus défavorisées) sont abondées de 220 millions.  

Coté santé, le gouvernement est content de lui : “Après les accords du Ségur de la Santé en 2020 pour plus de 12 Md€ de revalorisations salariales annuelles et un plan d’investissement de 19 Md€ sur 10 ans, les mesures salariales annoncées depuis 2022 et 2023 dans le champ hospitalier et médico-social représenteront plus de 5 Md€ de dépenses supplémentaires pérennes en 2024, auxquelles s’ajouteront plus de 1 Md€ dans le cadre de la revalorisation des gardes et du travail de nuit et du dimanche.” 

Mais alors, où sont les économies ? “L'État et ses opérateurs, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités territoriales doivent contribuer à cet objectif en modérant la progression de leurs dépenses de fonctionnement. Cela devrait leur permettre d'investir davantage, en particulier dans la transition écologique.” D’autres indices : “Les objectifs de maîtrise de la dépense publique seront atteints par la mise en œuvre de mesures d’économies identifiées notamment dans le cadre des revues de dépense, engagées depuis 2023 (...) Sur le périmètre des administrations de sécurité sociale, les réformes structurelles déjà engagées contribueront à la réalisation d’économies substantielles, qu’il s’agisse de l’assurance chômage ou de l’assurance maladie.” Et quand on regarde le projet de loi de finances de la sécurité sociale 2024, l’orientation est aux économies, voire réduction des enveloppes compte tenu de l’inflation.

Nous avons bien affaire à une politique austéritaire au niveau des services publics, détaille Thomas Porcher. L’économiste montre que les dépenses publiques côté services publics sont quasi stables depuis plusieurs dizaines d’années.

Et les conséquences pour la population sont déjà concrètes : baisse du remboursement par la sécu des soins dentaires (avec un transfert vers la mutuelle), les arrêts maladie qui coûteraient trop chers et leur contrôle sera durci, cette scène la semaine dernière où des patients sur des brancards étaient bloqués à l’extérieur de l'hôpital de Perpignan, car ils ne pouvaient pas être pris en charge aux urgences… Alternatives économiques montre que “le gouvernement fait des annonces de revalorisation mais sans donner ensuite les moyens supplémentaires aux hôpitaux.”, et leur demande aussi de réaliser des économies.

Sur l’école et la formation, on nous annonce un investissement de plusieurs milliards. Mais finalement l’enveloppe sert à « revaloriser » le métier d’enseignant, avec des mécanismes de primes, etc. Il y a également le pacte enseignant où on propose aux professeurs de travailler plus pour gagner plus, par exemple proposer à un professeur de sport de remplacer pour quelques heures d’anglais. Dans cette enveloppe, une augmentation de quelques dizaines d’euros pour les gratifications de stage et une hausse de l’aide pour l’emploi des jeunes aux entreprises. Et surtout : plusieurs milliards iront au développement du SNU.

Le gouvernement avance fièrement également que « ce nouveau budget mobilisera au total près de 25 milliards d’euros pour l’indexation des prestations sociales et des minimas sociaux, des retraites et de l’impôt sur le revenu ». Regardons ça de plus près. En mars 2022, l’inflation culminait à 4,5%. Les prestations sociales avait été revalorisées à 1,8%. Ca creuse l’écart. La population s’appauvrit, raconte Thomas Porcher.

L’État met le paquet sur la transition écologique dans le discours, et y gonfle l’enveloppe de 7 milliards. D’où la volonté d’économies d’Emmanuel Macron, et de Bruno Le Maire qui le disent : économisez et réinvestissez dans la transition écologique. “Ce n’est pas un projet de loi de finances écologique”, dépeint Thomas Porcher, qui remet en question une planification qui n’en a que le nom.

Tout ce qu’on vient de décrypter est guidé par une obsession : réduire le déficit public, réduire la dette, être compétitif par rapport aux voisins qui eux mettent en place des mesures pour réduire leur dette et leur déficit (deux notions à ne pas confondre ). Ce n’est pas du tout la priorité et l’urgence, ni la solution à long terme pour réaliser des économies, analysent Thomas Porcher et Lisa Lap, c’est l’Instant Porcher. 

L'instant Porcher

Thomas Porcher, économiste, signataire du manifeste des Économistes atterrés, et auteur de nombreux essais dont « Les Délaissés » et « Traité d’économie hérétique » débunke chaque semaine, sur le plateau du Média, les fausses évidences des gardiens du temple néolibéral. À l'occasion, d'autres économistes et praticiens de l'économie viennent répondre aux questions du Média dans le cadre de ce module.

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