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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Le référendum pour dire non à Macron

Un référendum d'initiative partagée sur la privatisation d'Aéroports de Paris ? Sur le principe, le Conseil Constitutionnel a approuvé sa tenue si cette proposition recueille la signature de 10% des électeurs. Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l'économiste atterré Henri Sterdyniak souligne toute l'absurdité d'un tel projet de privatisation et rappelle que "l'État doit rester le garant du bien commun".

Le Conseil constitutionnel l’a confirmé, le 9 mai dernier : à la suite d’une proposition émanant de 248 parlementaires, il y aura un référendum sur la privatisation de l’entreprise Aéroports de Paris, du moins si cette proposition recueille les signatures de 10% des électeurs inscrits, soit de 4,7 millions de personnes. Les Sages ont rappelé que le préambule de la Constitution de 1946 fait partie des lois fondamentales de la République. Son article 9 dispose : « Toute entreprise, qui a les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Rappel utile, qu’il faudrait appliquer aujourd’hui à toutes les sociétés d’autoroutes, mais aussi à Google et à Facebook. Il est dangereux qu’une entreprise privée exploite une situation de quasi-monopole pour obtenir d’importants profits, pour accroître encore ses pouvoirs grâce à ses réseaux dans l’administration, la presse, les milieux dirigeants et les forces politiques. En ce qui concerne ADP, comme d’ailleurs la Française des jeux, leurs privatisations sont totalement injustifiables. ADP dispose d’un quasi-monopole sur l’accès aérien à la région parisienne. Elle pourra donc imposer ses tarifs et ses conditions aux compagnies d’aviation, en particulier à Air France. Certes, l’État aura théoriquement un droit de regard, mais l’utilisera-t-il ? La gestion des transports pour accéder aux aéroports parisiens, le contrôle des passagers et des marchandises incombent aux pouvoirs publics. Faut-il que l’État prenne à sa charge les dépenses et qu’une société privée capte les recettes ? ADP possède d’importantes réserves foncières autour de Paris. Est-il acceptable que l’entreprise décide de bétonner ses terrains, ce qui irait à l’encontre des nécessites de la transition écologique ? Peut-on privatiser la Française des Jeux en oubliant que celle-ci ne doit pas avoir pour objectif de développer son activité mais doit au contraire éviter d’introduire des jeux trop attractifs, lutter contre l’addiction des joueurs, en particulier des plus jeunes, et doit également lutter contre le blanchiment d’argent sale, ce qui est contradictoire avec la démarche de maximisation des profits ? De point de vue financier, il s’agit d’une opération absurde. Les 3 privatisations (ADP, la Française des Jeux, Engie) rapporteraient 15 milliards à l’État ; il en utiliserait 5 milliards pour se désendetter et 10 milliards seraient placés sur un fonds, ce qui rapporterait 250 millions par an, utilisés pour financer des innovations de rupture. Mais ces 3 sociétés rapportent environ annuellement 1 milliard de bénéfices à l’État, soit une rentabilité de plus de 6 %. Pourquoi les vendre pour placer à 2,5% ? Par ailleurs, l’État ou la BPI peuvent aujourd’hui s’endetter sur 10 ans à 0,3% pour financer de grands programmes industriels. Nul besoin de vendre des bijoux de famille…

L’État doit rester le garant du bien commun

L‘aéroport de Toulouse aurait du servir de leçon ; fallait-il confier une infrastructure vitale pour une région à une entreprise chinoise pirate, soucieuse avant tout d’en tirer un maximum de cash ? De même, les sociétés d’autoroute ont réussi à obtenir de l’État des contrats déséquilibrés, en jouant sur le peu de motivation de certains jeunes haut-fonctionnaires, qui ne faisaient pas le poids face aux cadres aguerris des entreprises du BTP, que ces jeunes aspiraient à rejoindre, et aux faibles marges de manœuvres financières de l’État par rapport à celles des sociétés du BTP. Comment expliquer de telles opérations? De grandes entreprises comme Bouygues, Effage, Vinci, LVMH, Kering ou Orange sont devenues des États dans l’État. Elles disposent de profits abondants, de capacités d’emprunts quasi-illimitées, alors que l’État s’est appauvri en diminuant les cotisations sociales et les impôts sur les grandes entreprises. L’État leur sous-loue maintenant la politique d’aménagement du territoire, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, ou encore la culture ou le sport par le biais de l’appel au mécénat. En somme, l’État se retire pour laisser un champ d’action aux grandes entreprises privées. Certaines grandes entreprises peuvent encore avoir une stratégie de long terme. Ce n’est plus le cas de l’État, qui a renoncé à une politique industrielle forte, protégeant l’emploi en France, organisant la transition écologique. Chacune de ces privatisations (Engie, ADP, la Française des Jeux) marque à sa manière un renoncement de l’État. Voilà pourquoi nous devrons nous mobiliser pour obtenir les 4,7 millions de signatures et réaffirmer que l’État doit rester le garant du bien commun.

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