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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Bulle financière : la politique suicidaire des banques

Du point de vue monétaire, la France, comme tous les pays développés connaît une situation sans précédent. Les taux d’intérêt sont extrêmement faibles, nuls et parfois même négatifs.  Ainsi, les banques européennes s’endettent à taux zéro auprès de la Banque Centrale Européenne et leurs dépôts sont rémunérés à un taux négatif de -0,5%. Ainsi, l’État français peut s’endetter à 10 ans à -0,25%. Les marchés financiers paient pour détenir de la dette publique française parce qu’ils ne trouvent pas d’autres placements sans risques mieux rémunérés.  Aux États-Unis, les taux sont un peu plus élevés, de l’ordre de 1,7%. En sens inverse, ils sont nuls au Japon. Normalement, les taux d’intérêt devraient être à peu près égaux au taux de croissance de l’économie en valeur. Ils devraient donc être de l’ordre de 3,5 % en Europe, de 4 % aux États-Unis. Pourquoi sont-ils si bas aujourd’hui ?

Globalement, la demande mondiale est insuffisante Cela s’explique par la victoire du capital sur le travail.  Grâce à la mondialisation, à la menace du chômage, à la concurrence des pays à bas-salaires, les capitalistes ont réussi à augmenter la part des profits au détriment de la part des salaires. Les inégalités sociales ont augmenté ; les revenus des plus riches ont explosé tandis que les salaires et les dépenses sociales étaient comprimés. La consommation des classes populaires est limitée par leur revenu tandis que les riches accumulent une grande partie de leurs revenus.  Les grandes entreprises font beaucoup de profits, mais investissent peu dans les pays développés, parce que la croissance a ralenti et qu’elles préfèrent investir dans les pays émergents.

Pour éviter une dépression permanente, la politique économique est obligée de soutenir l’activité. Aux États-Unis, le déficit public est très fort, 6,6% du PIB en 2019. En Zone Euro, les politiques d’austérité ont fait que globalement le déficit public n’est plus que de 1% du PIB, il faut utiliser massivement la politique monétaire, donc maintenir des taux nuls. Le modèle préconisé par le FMI et l’OCDE est celui où les entreprises font beaucoup de profit, n’ont pas besoin de s’endetter ; les ménages épargnent beaucoup pour leur retraite ; l’Etat a un solde public excédentaire.  Si tous les agents sont excédentaires, personne n’accepte de s’endetter. La demande intérieure ne permet pas d’écouler la production. Le pays accumule des excédents extérieurs massifs. C’est le modèle allemand. Encore, faut-il trouver des pays qui acceptent de s’endetter et qui rembourseront un jour.

Ainsi, il existe, dans l’économie mondiale, des masses énormes de capitaux à la recherche de placements financiers : les réserves des pays excédentaires, les avoirs des personnes les plus riches, ceux des fonds de pension des pays où les retraites publiques sont faibles, les profits des grosses entreprises multinationales. Cette masse de capitaux disponibles fait baisser les taux d’intérêt.

Ces taux très bas sont censés soutenir l’activité. Certes, ils permettent à certains ménages d’acheter un logement. Ils pèsent sur les petits épargnants (en particulier en Allemagne) à qui on a dit de compter sur des placements financiers pour assurer leur retraite. Le problème est que les taux nuls favorisent les bulles financières spéculatives : les spéculateurs s’endettent à bas taux d’intérêt, placent les fonds obtenus en Bourse, ce qui fait monter les cours indépendamment du profit des entreprises.  Les grandes entreprises se sont surendettées, mais non pas pour augmenter l’emploi et la production, surtout pour distribuer des dividendes et se lancer dans des aventureuses opérations de fusion-acquisition, avec le soutien aveugle des banques, comme l’illustrent l’endettement de 100 millions d’euros de Mathieu Pigasse, de 3 milliards de Jean-Charles Naouri, de 50 milliards de Patrick Drahi.

Les taux d’intérêt ne peuvent être réduits sans s’attaquer de front aux causes du déséquilibre. La solution évidente serait d’augmenter les salaires et les prestations sociales dans tous les pays européens. Ce serait la consommation qui soutiendrait l’activité et non plus les taux d’intérêt. Mais, dans chaque pays, les classes dirigeantes et les entreprises s’y refusent au nom de la compétitivité. Le crédit bancaire devrait être réorienter pour ne plus financer la spéculation financière, mais massivement l’activité productive. Enfin, la norme de 3% de déficit public devrait être oubliée.  Chaque pays devrait profiter des bas taux d’intérêt pour organiser et financer un vaste programme d’investissement tourné vers la transition écologique. Chaque année, 3% du PIB devrait être investi pour développer les énergies renouvelables, pour impulser les économies d’énergie par la rénovation des logements, la rénovation urbaine, le développement des transports en commun.

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