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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Brexit : le chantage scandaleux de l'Union Européenne

Au Royaume-Uni, la situation reste complexe. Le Parlement britannique se réunit pour discuter des propositions alternatives à l'accord de Theresa May, qui prévoit que le pays sorte de l'Union Européenne. Les explications de l'économiste atterré Henri Sterdyniak, dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco.

Le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi de quitter l’Union européenne. Le référendum avait opposé deux camps divisés. Du côté des partisans du maintien dans l’Europe se trouvent les représentants du grand patronat et de la finance, qui veulent conserver l’accès au marché européen, et souhaitent que le Royaume-Uni reste dans l’UE pour que celle-ci soit un grand marché sans régulation, sans harmonisation fiscale ou sociale. Mais aussi, paradoxalement, des syndicalistes qui pensent que l’Europe peut les protéger des libéraux britanniques, qu’elle peut imposer au Royaume-Uni un minimum de droits sociaux.

Du côté des partisans du Brexit se trouvent des libéraux forcenés, qui veulent que le Royaume-Uni se transforme en paradis fiscal et réglementaire, mais aussi des salariés victimes de la mondialisation, de la désindustrialisation et de la financiarisation, qui ont dû accepter des baisses du nombre d'emplois industriels, des salaires, des prestations sociales, et un affaiblissement du droit du travail. Beaucoup de Britanniques refusent la marche forcée vers une Europe fédérale, qui met en cause la souveraineté nationale. Ils ne veulent pas que la technocratie de Bruxelles ou les juges de la Cour de Justice de l’Union Européenne leur imposent leurs règles. En même temps, le vote britannique est un refus de la solidarité en Europe ; ne pas payer pour les pays les plus pauvres, contrôler l’installation des travailleurs d’Europe de l’Est.

Près de 3 ans après le vote, la sortie ne s’est toujours pas faite. Le Royaume-Uni a choisi de respecter l’Article 50 du Traité européen qui prévoit une sortie négociée de l’UE. La négociation est obligatoirement difficile puisque l’objectif des institutions européennes n’est pas de trouver un accord avantageux pour le Royaume-Uni, mais de faire un exemple, de montrer que sortir de l’UE a un coût important. Les institutions européennes veulent obliger les peuples à aller « vers toujours plus d’Europe », mais un modèle bien précis d’Europe fédérale, où tous les pouvoirs passent progressivement à la technocratie européenne pour imposer des réformes libérales. Ce n'est pas le modèle d'une Europe respectueuse des choix des peuples et des souverainetés nationales, peuples qui pourraient s’engager dans des coopérations mutuellement avantageuses.

Les Britanniques sont partagés entre quatre positions. Aucune n’a la majorité au Parlement. Chacune a une majorité contre elle. La situation est bloquée. Les uns veulent rester dans l’Europe, certains pour l’infléchir dans un sens libéral, d’autres -certains travaillistes - pour participer au combat des forces progressistes pour changer l’Europe. Mais cela serait peu démocratique que de ne pas respecter le vote du 26 juin 2016. Certains veulent sortir sans accord : le Royaume-Uni pourra alors négocier ses relations avec l’UE sur une base égalitaire. Ce ne serait pas le chaos annoncé : des accords d’urgence permettront sans doute de maintenir la circulation des personnes, des trains, des avions, des marchandises, la reconnaissance mutuelle des qualifications, les droits des britanniques résidant en Europe et des Européens au Royaume-Uni. Le risque est que cette sortie sans accord n’annonce une stratégie de dumping salarial, fiscal, social et réglementaire au détriment des travailleurs britanniques et européens.

Certains, parmi les travaillistes, souhaitent que le Royaume-Uni sorte de l’UE mais reste dans le Marché unique ; il devrait alors accepter la liberté de circulation des travailleurs, l’autorité de la Cour de Justice Européenne, les réglementations européennes, alors qu’il aurait perdu tout pouvoir à Bruxelles. L’Accord signé par Theresa May reste dans l’ambiguïté ; le Royaume-Uni demeure à court terme dans le Marché unique. A moyen terme, il devra choisir entre deux stratégies : soit s’abstraire complètement des réglementations européennes, conclure des accords commerciaux avec des pays tiers, et perdre l’accès au Marché unique sans contrôle ni droit de douane ; soit appliquer les réglementations européennes et conserver cet accès. L’UE est très vigilante contre la concurrence déloyale que pourrait faire le Royaume-Uni. Il est dommage qu’elle ne le soit pas contre le dumping fiscal de l’Irlande ou contre le dumping salarial de l’Allemagne.

Les difficultés du Brexit invitent à trois remarques. Une sortie de l’UE ne doit pas être négociée avec les instances européennes ; elle doit être portée par des forces politiques et sociales représentant la masse des citoyens ; elle n’a de sens que si elle vise à engager une stratégie de rupture économique, sociale et écologique.

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