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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Assurance-chômage : la grande escroquerie

Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l'économiste atterré Henri Sterdyniak révèle les fondements idéologiques d'une réforme qui se pare des oripeaux de la technicité : celle de l'assurance-chômage.

La réforme de l’assurance-chômage s’inscrit dans les objectifs du gouvernement : affaiblir la protection sociale et obliger les salariés à accepter n’importe quel emploi. Pour les allocations-chômage comme pour les retraites, Macron veut étatiser la Sécurité sociale. Il souhaite faire oublier que les ressources de la Sécurité sociale, c’est l’argent des salariés, et que les syndicats sont légitimes à les gérer. La réforme a été décidée sans tenir compte de l’avis des syndicats. Elle passera par décrets, sans vote du Parlement. C’est une négation de la démocratie sociale et politique. Au début de l’année, le gouvernement avait imposé une renégociation de la convention de l’assurance chômage. Cette négociation ne s’est pas faite librement ; elle ne pouvait aboutir. L’Unedic n’est plus financé par des cotisations salariales : cela empêche tout accord sur ses ressources. Ensuite, le gouvernement a exigé que les prestations chômage soient réduites de 1 à 1,3 milliards d’euros par an. Pourtant, celles-ci ne sont déjà pas généreuses : 1200 euros par mois en moyenne. Seuls 44 % des chômeurs sont indemnisés par l’Unedic. Certes, depuis 2008, l’assurance chômage a accumulé 37 milliards de dette. Mais ce ne sont pas les syndicats ou les chômeurs qui en sont responsables. C’est la crise financière puis les politiques d’austérité qui ont fait que le taux de chômage est longtemps resté au-dessus de 8 %, le niveau qui assure l’équilibre financier de l’Unedic. Par ailleurs, l’Unedic finance le fonctionnement de Pôle emploi. Soit une ponction d’environ 3,5 milliards d’euros chaque année. Sans celle-ci, l’Unedic n’aurait pas de dette. En 2020, l’Unedic devrait être à l’équilibre. La baisse des prestations exigée par le gouvernement est purement idéologique : elle sert à montrer à Bruxelles et au patronat que le gouvernement réduit effectivement les dépenses publiques. Les réductions de prestations sont accompagnées d’un discours idéologique : les chômeurs eux-mêmes seraient responsable de leur chômage. Ils préféreraient vivre dans l’oisiveté plutôt que traverser la rue pour trouver un emploi. En fait, il y a au plus 300 000 emplois vacants pour 3,3 millions d’inscrits à Pôle emploi ; la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés ; et 45% des chômeurs travaillent dans des emplois précaires, à temps partiel. Cela n’empêche pas le gouvernement de prétendre, sans le moindre fondement, que la baisse des prestations chômage ferait baisser de 200 000 le nombre de chômeurs. À partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois et non plus 4 mois sur 28 mois pour avoir droit à l’indemnisation. Cette mesure permettra de priver d’allocation 250 000 chômeurs parmi les plus précaires. De même, il faudra avoir travailler 6 mois (et non plus 1 mois) pour pouvoir recharger ses droits au chômage, ce qui sera pratiquement impossible pour la plupart des travailleurs précaires qui hésiteront à prendre un emploi temporaire.


La double peine

Le pire réside dans le changement des modalités de calcul de l’allocation. À la suite du mensonge de Muriel Pénicaud selon laquelle 20% des chômeurs touchent plus que s’ils travaillaient, l’allocation sera calculée sur le salaire mensuel et non plus sur le salaire journalier. Cela veut dire qu’un salarié en chômage partiel, qui n’a pu travailler que la moitié du temps sur la période de référence, verra son allocation divisée par deux s’il tombe en chômage total. C’est la double peine. Certes, une légère taxation des CDD d’usage et un bonus-malus pourraient aider à lutter contre les contrats courts, mais leurs niveaux sont très faibles (10 euros par contrat, 1% de cotisations sociales de plus ou de moins). Le bonus-malus ne concerne que les entreprises de plus de 11 salariés, dans sept secteurs, l’agro-alimentaire, les hôtels-cafés-restaurants, mais ni le secteur médico-social, ni le bâtiment. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux : il aurait fallu interdire les CDD d’usage dans la plupart des secteurs et interdire l’emploi de CDD pour des postes permanents. Au lieu de cela, c’est sur les salariés précaires que le gouvernement fait porter la quasi-totalité des économies. Enfin, le gouvernement réintroduit la dégressivité des allocations pour les cadres dont le salaire est supérieur à 4500 euros par mois. Au bout de 6 mois, leur allocation sera réduite de 30%. Pourtant, il a été démontré que la dégressivité ne favorise pas le retour à un emploi stable. Les cadres contribuent pour 42% des ressources et ne reçoivent déjà que 15% des allocations. La mesure est un ballon d’essai pour introduire la dégressivité pour tous les salariés. Fondamentalement, l’objectif du gouvernement est d’affaiblir la logique des assurances sociales, avec ce qu’elle comporte de garantie des droits, de solidarité entre les salariés et de démocratie sociale. .

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