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Comment le gouvernement saigne les chômeurs

Pour justifier sa réforme des allocations chômage, le gouvernement prétend que la France se rapproche du plein-emploi. Il suffirait que les chômeurs acceptent de traverser la rue pour occuper un des nombreux emplois vacants.

L’INSEE évalue les chômeurs au sens du BIT, c’est-à-dire les personnes n’ayant pas travaillé durant la dernière semaine, disponibles pour travailler et qui recherchent un emploi. A la fin du 2ème trimestre 2019, ils sont 2,37 millions, soit un taux de chômage officiel de 8,2%. Cette statistique est fragile, car les chômeurs qui prennent des petits boulots, quelques heures par semaine, et les personnes découragées de chercher un emploi, ne sont plus comptés comme chômeurs. Il faut donc ajouter 1,46 million de personnes, qui souhaiteraient travailler, mais qui ont renoncé à chercher et 1,38 million de personnes qui travaillent à temps partiel, mais voudraient travailler à temps plein, en les comptant pour des chômeurs à temps partiel. On arrive alors à 4,5 millions de chômeurs en équivalent temps plein, soit un taux de chômage corrigé de 15%. Pour être à proximité du plein emploi, il faudrait créer au moins 2,2 millions d’emplois supplémentaires, soit 9% de l’emploi actuel. On en est loin.

Selon les statistiques du Ministère du Travail, il existe actuellement 300 000 emplois vacants. On est très loin des 4,5 millions de chômeurs. Certains de ces emplois ne sont pas acceptables en termes de rémunération, de conditions de travail, de localisation. Surtout, les entreprises sont devenues trop exigeantes en matière de caractéristiques individuelles, de diplômes, d’expériences, d’âges. Elles devraient réapprendre à former les nouveaux embauchés.

Avant même la réforme, les indemnités chômage ne sont pas généreuses : la prestation médiane est de 950 euros ; 44 % seulement des chômeurs sont indemnisés par l’Unedic. La réforme va en sens inverse de ce qu’il faudrait faire. Elle écarte les syndicats des décisions, alors que les prestations chômage sont principalement financés par des cotisations sociales, donc par les salariés. L’argent de l’Unedic, c’est l’argent des travailleurs que les syndicats sont légitimes à gérer.

La réforme prive d’allocation 700 000 chômeurs qui n’ont pas cotisé assez longtemps. Il faudrait au contraire affirmer le droit de tout chômeur, à recevoir une allocation, en particulier les jeunes à la recherche d’un premier emploi, les femmes après un arrêt pour élever de jeunes enfants. Comme pour les assurances automobile ou incendie, ce droit ne devrait pas dépendre de la durée de cotisation.

Le réforme Pénicaud va réduire fortement les allocations de 850 000 travailleurs précaires qui ont alterné des périodes d’emploi à plein temps, d’emploi à temps partiel et de chômage. Ainsi, certains passeront d’une allocation de 870 euros par mois à 430 euros. Selon nous, au contraire, les allocations chômage devraient dépendre du salaire normal du salarié, celui qu’il touchait quand il travaillait à temps plein.

Pour justifier cette baisse, le gouvernement prétend que cela incitera les chômeurs à reprendre un emploi, comme si les chômeurs choisissaient volontairement de ne pas travailler pour vivre dans l’oisiveté de ces 870 euros, alors même que près de la moitié des chômeurs acceptent des emplois précaires à temps très partiel.

Sous la pression patronale, les gouvernements successifs ont facilité les emplois précaires, à temps partiel ou en CDD ; ils ont toléré le développement du faux auto-entreprenariat. Sous prétexte de lutter contre la précarité ainsi organisée, la réforme s’attaque aux salariés précaires, accusés d’avoir choisi la précarité. Il aurait fallu revenir sur l’extension des CDD d’usage, interdire l’emploi de CDD pour des postes permanents, obliger les entreprises à transformer les temps partiels en temps plein pour les salariées qui le demandent, les obliger à transformer les faux emplois d’autoentrepreneurs en emplois salariés.

Au lieu de décharger l’Unedic des 4 milliards qu’elle paye chaque année pour financer Pôle emploi, la réforme augmente cette ponction de 400 millions. Par contre, les prestations chômage seront réduit de 2,5 milliards, au détriment surtout des plus précaires.

Les allocations chômage sont un élément important du rapport de force entre entreprises et salariés. De faibles prestations obligent les salariés à accepter des emplois précaires, à bas salaires et à mauvaises conditions de travail. Au contraire, des prestations satisfaisantes leur permettent de ne pas prendre n’importe quel travail. Qu’une personne soit obligée de prendre un emploi pour lequel elle est surqualifiée est un double gâchis ; elle prend l’emploi d’une personne moins qualifiée et elle risque de perdre sa qualification.

Certains chômeurs ont peu de chance d’être réembaucher. Tous les chômeurs de longue durée devraient avoir droit à un emploi de dernier ressort, un emploi socialement utile dans une collectivité locale, une association, une entreprise d’insertion. « Chacun a le devoir de travailler et le droit à un emploi ». Il faut rendre effectif cet article du préambule de la Constitution de 1946.

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