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Pesticides : l'État et les lobbies s'attaquent aux maires

Langouët, 600 habitants et un scrutin municipal hors norme. Le 15 mars, l'équipe du maire sortant, un opposant à l'agrochimie, a subi une lourde défaite lors d'une élection aux allures de référendum sur les pesticides. De la FNSEA au collectif des coquelicots, Le Média est parti à la rencontre des différents acteurs de ce conflit qui déchire le village.

Bienvenue à Langouët, en Bretagne, première ville à publier un arrêté anti-pesticides en France et symbole du combat contre l'agrochimie jusqu'à ces dernières municipales. Le 15 mars dernier, le maire sortant Daniel Cueff ne se présentait pas à sa réélection, mais la liste présentée pour poursuive sa politique à la tête de la ville a échoué dès le premier tour, malgré une participation de 80%. 

En face ? Une équipe d'opposants qui met fin au développement d'initiatives écologistes à Langouët et aux dernières actions de l'édile. Jamais une liste ne s'était présentée face au maire élu depuis 1999. Pourquoi la situation a-t-elle changée ? Comment la tension a-t-elle grimpé dans ce village breton de 600 habitants et pourquoi ces élections se sont-elles transformées en référendum pro ou anti-pesticides ? Comment l'enjeu de ces municipales est-il devenu national et scruté aussi bien par l'ensemble du mouvement anti-pesticide de France que par le lobby de l'agrochimie ? 

Le Média est parti enquêter dans cette commune où certains espèrent retrouver la tranquillité qui la caractérisait avant qu'elle ne soit la première de France à publier un arrêté anti-pesticides, interdisant les épandages à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant une habitation ou un bâtiment professionnel. 

Langouët se retrouve alors sous le feu des projecteurs, jusque dans les colonnes du New-York Times. Son maire, égérie de la lutte anti-pesticides, paraphe des chartes à Amsterdam, signe un livre contre les pesticides de synthèse et devient un exemple pour les élus qui vont jusqu'à le nommer président du "Collectif des maires anti-pesticides". La commune signe alors l'appel "Nous voulons des coquelicots pour l'interdiction de tous les pesticides". 

Cette médiatisation n'est pas sans irriter. Les préfectures contestent les arrêtés limitant les épandages et le gouvernement décide de les restreindre à dix ou cinq mètres. La puissante organisation d'agriculteurs, la FNSEA, organise la révolte des exploitants conventionnels. Certains accusent l'organisation professionnelle d'avoir démarché des habitants, et notamment des agriculteurs, pour constituer une liste contre le maire sortant.

Un élément vient appuyer cette présomption : la candidature de la tête de liste, une salariée de la chambre de l'agriculture où la FNSEA est majoritaire, ce qui prouverait un conflit d'intérêt. Interrogée par Le Média, cette dernière dément. Pour elle, l'organisation agricole n'est pas derrière sa liste. Le doute est instillé, pas de quoi arrêter les écologistes qui maintiennent leurs affirmations. Selon ses détracteurs, la FNSEA aurait donc orchestré la chute de l'équipe anti-pesticides soutenue par le Collectif des coquelicots. 

L'ancienne équipe municipale ne baisse pas pour autant les bras. Le collectif des maires anti-pesticides envisage d'attaquer l'arrêté français à la Cour de justice de l'Union Européenne. L'affaire est déjà portée le conseil d'État. Et un groupe d'habitants, les "Pisseurs volontaires", a porté plainte suite à la détection de traces de glyphosates dans leurs urines. Gageons qu'on entendra encore parler de Langouët. 

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