Le nucléaire, une menace pour la souveraineté de la France ?
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La commission mixte paritaire se réunit ce jeudi 4 mai 2023, pour statuer sur la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Depuis que l'Assemblée nationale a adopté ce texte, le 21 mars 2023, le nucléaire défraie la chronique. Fin mars, une commission d'enquête parlementaire rend son rapport visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. La formule renvoie à celle du général de Gaulle, depuis lors répétée par nombre de politiques, éditorialistes et autres experts : « Le nucléaire garantit l’indépendance énergétique de la France. » Mais ce gimmick repose sur des clauses soigneusement dissimulées, l’équivalent des petits caractères au bas d’un contrat.
Quand son parc fonctionne normalement, le nucléaire produit 70% de l’électricité en France. Pour autant l’électricité nucléaire ne représente que 17% de l’énergie finale consommée dans le pays. Les entreprises et les ménages demeurent largement dépendants des énergies fossiles importées. En 2021, le gaz naturel et les produits pétroliers sont les énergies les plus sollicitées par les secteurs du résidentiel, de l’industrie et de l’agriculture - pour respectivement 38%, 47% et 75%. Dans le même temps, l’essence et le gazole continuent à couvrir 91% des besoins énergétiques des transports, principalement grâce au pétrole brut importé depuis l’Afrique, le Moyen-Orient et l’ex-URSS, selon les chiffres du gouvernement. La filière électronucléaire française dépend également de pays étrangers pour accéder aux ressources et aux compétences indispensables pour le fonctionnement de ses centrales.
La cuve d’un réacteur nucléaire renferme un cœur constitué de millions de pastilles d’oxyde d’uranium empilées en crayons. En France, les entreprises Orano (ex-Areva) et Framatome, filiale d’Électricité de France (EDF), fabriquent le combustible. À l’usine Orano de Malvési (Aude), le minerai arrive sous forme de pâte sableuse jaune – le yellowcake. Le concentré d’uranium est ensuite chimiquement purifié puis enrichi dans l’usine Georges Besse 2, située sur le site Orano du Tricastin, au carrefour de la Drôme et du Vaucluse. Enfin, les éléments combustibles sont assemblés à l’usine Framatome de Romans-sur-Isère, dans la Drôme, puis acheminés vers les centrales d’EDF et changés tous les quatre ans. L’électricien achète aussi une grande partie de son combustible au géant américain Westinghouse Electric Company. Advanced Nuclear Fuels, filiale de Framatome basée en Allemagne, vend également à EDF. Son combustible est en partie fabriqué avec l’hexafluorure d’uranium du russe Rosatom. Dans une note parue en mars 2022, Greenpeace révèle que la France importe 19 245 tonnes d’uranium naturel et 8 213 tonnes d’uranium enrichi depuis la Russie entre 2000 et 2020.
Uranium et technologies importés
En France, les dernières mines d’uranium ferment en 2001. Depuis lors EDF dépend exclusivement de pays étrangers pour importer les 9 000 tonnes d’uranium frais consommées chaque année par ses réacteurs nucléaires. Dopés par la Françafrique, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogema) puis Areva exploitent massivement l’uranium du Niger. Depuis 1971, 140 000 tonnes ont été extraites des trois plus grandes mines du pays, tandis que l’uranium africain représente encore en 2021 un tiers de la production d’Orano1.
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