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Guinée - Ce n'est pas une révolte, c'est une révolution

Par Thomas Dietrich

Il fut haut fonctionnaire avant de se saborder. Aujourd'hui journaliste et écrivain, il raconte les malheurs de la Françafrique et porte la voix de ceux qui la combattent.

En République de Guinée, Alpha Condé, l'opposant historique, est devenu tyran. Thomas Dietrich parcourt le pays, raconte la lutte d'un peuple, dit la grandeur des parents de victimes, et révèle les mensonges policiers d'un régime chancelant.

Le pouvoir rend fou, dit-on. Mais l’exil encore davantage. Les Guinéens l’ont appris à leurs dépens. En 2010, les toutes premières élections démocratiques leur permirent d’élire un homme neuf. Du moins le croyaient-ils. Alpha Condé était l’opposant historique, l’adversaire farouche des dictateurs. Il avait passé près de quarante ans en France, où il avait traîné son ennui de paria dans les amphis de la Sorbonne ; il y enseigna le droit public. À la faveur de la chute du Mur et du discours de la Baule de Mitterrand, il rentra à Conakry au début des années 1990. Il pensait que les portes du pouvoir s’ouvriraient grandes à lui ; il dut se baisser pour passer par celle de sa cellule. Alors quand en 2010, le peuple le porta enfin, à 72 ans, au palais Sekhoutoureah,  ce ne fut pas seulement sur la Guinée que souffla un vent d’espoir, mais sur toute l’Afrique. Alpha était devenu Mandela. 

Dix ans ont passé. À 82 printemps, Alpha Condé a commencé une carrière de dictateur. Alpha est devenu Idi Amin Dada. Il veut imposer au peuple une nouvelle constitution, qui abolirait toute limite aux mandats présidentiels. Lorsqu’on leur parle d’Alpha, les Guinéens ont honte. Honte d’avoir voté pour un homme en oubliant qu’il en était un, qu’il avait passé les deux tiers de sa vie à attendre son heure comme d’autres scrutent les résultats du loto ; et le jour où les bons numéros étaient sortis, le ver était déjà dans le fruit.

Alpha avait trop patienté, s’était trop privé, pour ne pas devenir ce qu’il avait combattu un demi-siècle durant : un vulgaire autocrate, un de plus, qui tente aujourd’hui de mourir au pouvoir tel Molière sur scène. Quand on vous dit que l’exil rend dingue. Et peut-être que dans son palais surchargé de dorures et de peur, assiégé de toutes parts par des manifestants qui réclament sa chute, le vieux professeur de droit doit-il regretter qu’une bonne âme ne l’ait assassinée, au sommet de sa gloire. Comme Sankara ou Lumumba. Les héros, après tout, sont des gens qui n’ont pas eu le temps de devenir des salauds. 

Car aussitôt après son élection, Alpha démontra qu’un bon opposant peut faire un très mauvais président. Santé, éducation, développement : ces mots qu’il savait si bien manier au Quartier latin lui écorchaient désormais la langue. Un pays ne se gouverne pas avec des formules bien tournées, sinon Frédéric Beigbeder serait devenu maître du monde (et le monde, une immense boîte de nuit). Et puis il fallut remercier les réseaux qui avaient favorisé son élection. Bernard Kouchner d’abord, son ami, son « frère » depuis le lycée, avec qui il avait partagé ses premières cuites et ses premiers râteaux. Condé rétribua l’ancien ministre des Affaires étrangères de Sarkozy pour d’obscures consultances, quinze mille euros par mois, trois cents fois le salaire moyen en Guinée.

Alpha confia la gestion du port de Conakry à l’empire Bolloré, dont la filiale Havas avait gracieusement pris en charge la communication de sa campagne, et tant pis s’il fallut envoyer l’armée pour déloger les précédents propriétaires. La Françafrique se passe de manières. Le nouveau président oublia à qui il devait son élection, oublia même qu’il avait été un jour un socialiste et un militant anti-impérialiste pour s’entourer d’une clique d’affairistes, où l’on retrouvait pêle-mêle le milliardaire américain Georges Soros, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair ou encore « l’homme aux costumes Arnys », Robert Bourgi. 

Misère et convoitises

La République de Guinée attire bien des convoitises. Il suffit de quitter la capitale Conakry pour s’en rendre compte. La route qui serpente vers l’est est un calvaire. Étroite, poussiéreuse, saturée de gasoil et de nids-de-poule. À vous convertir le PDG de Porsche au tricycle. Des semi-remorques patinent en gravissant les monts. Sur les battants arrière, il est écrit « Bonne chance », et aussi « N’oublie pas ta maman », mais à ce moment-là, je vous jure qu’on pense à tout sauf à la femme qui vous a mis au monde (même si dans mon cas je devrais, vingt-neuf ans qu’elle me passe tous mes caprices). On ne souhaite qu’une chose : que le camion ne vous entraîne pas dans le ravin. Des entreprises chinoises élargissent la route à quatre voies, elles ont planté des drapeaux multicolores. On se croirait en pleine révolution culturelle, on s’attend à voir surgir un commissaire politique et à devoir écrire son autocritique. Pardon, camarade Mao, je ne le referai plus.

Sauf que l’Empire du milieu a renoncé depuis longtemps à ce folklore, le communisme a été confiné comme le coronavirus, Xi Jinping se rend au forum de Davos et partout en Afrique, le dragon chinois montre ses griffes. En Guinée, ils investissent tous azimuts, dans la mine de fer de Simandou, la plus grande du continent, la bauxite, le bois, l’huile de palme. Et cette route qu’ils rendent praticable, ce n’est pas pour les beaux phares des taxis locaux : c’est pour pouvoir évacuer sans encombre les richesses qu’ils tirent du ventre de la terre. Sur le bord de la route défilent en flip book ces croix dessinées à la craie sur chaque maison, échoppe, et même sur les mosquées ; le labeur de centaines de vies voué à la destruction pour faciliter le pillage des mines de la forêt. Et les Guinéens regardent impuissants les camions emporter loin leurs richesses, les yeux usés à force d’être révoltés.

Dans Conakry embouteillée, asphyxiée, on mange davantage de particules fines que de fonio, la semoule locale. Les hôpitaux et les écoles dignes de ce nom manquent à l’appel, comme autant de déserteurs sous les ordres d’un mauvais général.

Si j’étais un journaliste tout ce qu’il y a de plus sérieux, je pourrais vous abreuver de chiffres, mais quel besoin de nombres abstraits quand la réalité saute aux yeux : rien n’a changé depuis dix ans. La Guinée est toujours engoncée dans la misère. On construit plus d’hôtels luxueux que de logements sociaux. Sur les plages magnifiques, les touristes n’ont pas remplacé les emballages plastiques. Les deux seules entreprises qui tournent sont les orphelinats et les night-clubs (les humanitaires occidentaux sont d’ailleurs les meilleurs clients des deux). La monnaie, le franc guinéen, se dévalue sans cesse et on a toujours plus de billets dans la poche alors qu’on est toujours plus pauvre.

Dans Conakry embouteillée, asphyxiée, on mange davantage de particules fines que de fonio, la semoule locale. Quinze heures par jour, la fée électricité prend la poudre d'escampette. Les hôpitaux et les écoles dignes de ce nom manquent à l’appel, comme autant de déserteurs sous les ordres d’un mauvais général. Et la pandémie Ebola est venue, entre 2013 et 2016, fouiller les plaies d’un pays déjà meurtri. Au fond, la nouvelle Constitution n’est que la goutte d’eau qui fait déborder la barrique.

Les pierres de Goliath

Depuis le 14 octobre 2019, des Guinéens manifestent en nombre, en masse, en chœur, sous l’égide du FNDC (le Front national pour la défense de la démocratie), l’organisation qui a réussi le tour de force de réunir la société civile et les partis politiques d’opposition. Un habitant sur dix bat le pavé chaque semaine, à l’occasion de démonstrations pacifiques, qui ne se sont jamais hérissées d’armes. Les bidonvilles brûlent non pas d’incendies, mais de colères et de l’attente enfiévrée du Grand soir, de celui où il faudra monter à l’assaut du palais présidentiel. Le rond-point de Bambéto devient la place Tahrir de la contestation. Alpha est débordée par la rue, et les montagnes d’argent qu’il déverse pour acheter les consciences n’y suffisent plus.

Les manifestants - ils sont cinq cent mille, un million - ne réclament pas seulement de garder leur Constitution, un bout de papier qu’ils n’ont pour la plupart jamais lu (le taux d’alphabétisation dépasse péniblement les 30 %). À vrai dire, ils se moqueraient pas mal du troisième mandat d’Alpha s’ils pouvaient s’offrir trois repas par jour. Condé pourrait même se faire couronner empereur galactique comme Palpatine ou roi de la night comme David Guetta, qu’importe s’ils étaient libres et n’avaient plus faim. Mais les Guinéens ont compris que si le 1er mars prochain, ils laissent ce référendum constitutionnel se tenir et les résultats être truqués (et croyez-moi que sans sortir de son palais, Alpha a déjà établi le décompte bureau de vote par bureau de vote), ils en reprendront pour des années de gargouillis dans le ventre, d’orteils qui butent dans le noir, de moustiques qui piquent, finissent par rendre complètement marteau, maudit paludisme qui tue bien plus que le VIH ; et qu’il ne leur restera plus d’autre alternative que d’emprunter les chemins de l’exil. 

« Je préfère mourir dans la mer que de manger de la poussière », m’a confié un footballeur et j’ai pensé que comme lui, des milliers de Guinéens ont chaviré dans la Méditerranée, sont morts de soif dans le Sahara, quand ils n’ont pas subi les tortures des milices libyennes (financées par l’Union Européenne). En 2019, les ressortissants de Guinée sont les deuxièmes demandeurs d’asile en France. Les premiers pour ce qui concerne les mineurs non accompagnés.

Car il y a peut-être pire que la faim ou même les référendums truqués. Il y a cette peur, qui s’est emparée de tout le pays et qui l’a transformé en prison à ciel ouvert. Quand il est arrivé au pouvoir, Alpha ne s’est pas contenté d’être président. Il s’est nommé ministre de la Défense ; comme s’il avait trop soupé de la violence de l’armée guinéenne, et de terrorisé il devait terroriser à son tour. Depuis octobre, 36 manifestants sont tombés sous les balles des forces du (dés)ordre, police, gendarmerie, armée confondues. Le 12 février dernier, le régime a quadrillé Conakry pour empêcher les manifestants de se rassembler et de marcher ensemble, le drapeau guinéen en bandoulière.

Guinée - Ce n'est pas une révolte, c'est une révolution
Policiers lors d'une manifestation à Conakry, le 14 janvier 2020. Crédits : Cellou Binani / AFP.

Au quartier de Wanindara, des policiers ont jetté des pierres sur des enfants, à l’aide de grandes frondes ; c'est David contre Goliath, sauf que cette fois, Goliath jette les pierres. Ce jour-là, un collégien de 15 ans sera blessé par une balle de l’armée. Deux hôpitaux refuseront de le soigner. Il en mourra, vidé de son sang. À Coyah, dans la banlieue de la capitale, des adolescents, douze, treize ans guère plus, sont embarqués par la gendarmerie, soulevés comme des fétus de paille et plaqués contre le capot. La tôle est brûlante, coupante, ils crient.

Un lieutenant veut effacer les images que j’ai capturées. Il me parle de l’école de gendarmerie qu’il vient de terminer à Melun, et de son admiration pour le préfet de Paris, « Langlais » (je suppose qu’il s’agit de notre excellent ami Didier Lallement), et je suis heureux d’apprendre que la France continue de rayonner dans le monde, et tant pis si ce n’est pas pour ses fromages qui puent. En me rendant mon accréditation, le lieutenant a cette charmante formule : « Si tu déconnes, on te tue ». Entretemps, les gamins ont été jetés dans un pickup. Ils seront emprisonnés, torturés, rançonnés à leurs propres familles contre 1 à 2 millions de francs guinéens (100 à 200 euros), une fortune ici. Un gamin, en débardeur vert martien, a la tête haute et le regard fier. Ce n’est déjà plus un gamin. 

Montagnes ensanglantées

La réprobation internationale est quasi-unanime. Pour une fois. Le son de cloche est le même du côté du Parlement européen, des États-Unis et du ministre des Affaires étrangères français, le pourtant très françafricain Jean-Yves Le Drian : « L’engagement du président Alpha Condé à demander une réforme de la Constitution ne nous paraît pas être obligatoirement partagé ni par sa population, ni par ses voisins ». Il faut dire que la capitale n’est pas la seule concernée par l’insurrection. Tout le pays s’embrase. En s’enfonçant dans les terres, on bifurque vers le nord et le mythique royaume du Fouta-Djalon. Le sanctuaire des éleveurs peuls a longtemps résisté à la colonisation française (il faut lire Le Roi du Kahel, de Tierno Monénembo). Les peuls d’aujourd’hui se sont sédentarisés et se sont reconvertis dans le négoce, mais ils résistent toujours.

La région est sublime. On se demande comment tant de souffrance peut cohabiter avec tant de beauté. Les montagnes se dressent, fières et têtues face à la sécheresse qui d’année en année, se fait plus tenace. Une forêt de sapins surgit tout à coup au détour du virage - encore une blague du Bon Dieu, nous mettre Noël sous les tropiques. Signe des temps, la Vache qui rit propose de gagner un pèlerinage à la Mecque. On devrait importer cette publicité en France, histoire d’apprendre aux fachos ce que c’est que le vivre-ensemble.

C’est toute la Guinée qui est là, ce peuple qui a toujours dit non, ce peuple qui en 1958 a été le seul de toute l’Afrique à s’opposer de Gaulle et à la Françafrique ; et qui, soixante ans plus tard, est toujours debout face aux oppresseurs.

Ici, la répression est plus récente mais d’autant plus féroce. Des commerces sont pris pour cible par l’armée, au hasard, pour faire comprendre que personne n’est à l’abri. Un vidéoclub a été saccagé à l’heure du match de Barcelone, Messi et les siens menaient 2-0. Les bérets rouges, sans doute supporters du Real Madrid, ont défoncé la porte. Ils ont sauvagement bastonné les clients. Le sang a séché sur les murs, personne ne l’a nettoyé, le vidéoclub est depuis fermé. Pour le seul mois de janvier, quatre manifestants ont été tués par l’armée à Labé, la grande ville de la zone. 

Cette tuerie à huit-clos vise l’ethnie peul, conformément au stratagème d’Alpha Condé qui est de raviver les fractures ethniques, de diviser pour mieux régner. On s’étonne d’entendre dans les rangs du pouvoir des commentaires qu’on croyait révolus depuis les années 30 : les peuls qui s’accaparent l’argent, les peuls qui complotent pour mieux dominer, toute cette rhétorique abjecte qui vise à faire oublier que le seul conflit ethnique qui existe actuellement en Guinée, c’est l’ethnie peuple contre l'un de ses moutons noirs, Alpha Condé.  

Les aveux du gouverneur

Je rencontre les familles des manifestants assassinés à Labé. Les pères veulent témoigner à visage découvert, ils insistent, que pourra-t-on me prendre encore après m’avoir pris mon fils ? Le premier se nomme Mamadou Diallo. Il est immense de dignité et de courage, il décline son identité d’une voix qui ne tremble pas (et pourtant moi je tremble). Il me raconte que son premier garçon était mécanicien-soudeur. Il a été touché par un tir à même pas vingt ans, le 23 janvier 2020. Il est tombé dans la poussière, il était encore en blouse de travail. L’ambulancier qui est parti chercher son corps a été frappé à mort par l’armée. Le muezzin qui devait l’enterrer a été molesté.

Le père accuse le gouverneur de Labé et ses « soi-disant bérets rouges ». Il oublie un instant sa douleur pour parler des autres morts de la répression, et dans ses intonations fermes, c’est toute la Guinée qui est là, ce peuple qui a toujours dit non, ce peuple qui en 1958 a été le seul de toute l’Afrique à s’opposer de Gaulle et à la Françafrique ; et qui, soixante ans plus tard, est toujours debout face aux oppresseurs.

Un autre enfant a été tué le 13 janvier. Il avait quinze ans, s’appelait Alhassane Diallo et apprenait le métier de carreleur. Il avait fugué de chez son maître pour vivre la vie de bohème, et j’espère qu’il flirté avec une fille, fumé un gros pétard avant de sortir manifester à mains nues et de prendre une balle en pleine bouche. Le gouverneur de Labé avait accusé ces Gavroches d’être des « djihadistes venus du Mali », et le père d’Alhassane Diallo ouvre des yeux ronds comme des billes - l’islamisme en armes est aussi étranger à la Guinée que la neige ou les cuisses de grenouille. Son fils est né à côté de Labé, de père et de mère guinéens. Il y a grandi, il y a toujours vécu et il n’a rien vu du vaste monde. 

Contrairement au gouverneur de la région, Madifing Diané. Ce vieillard de 75 ans est le bras armé de l’Etat, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a le profil de l’emploi. Il a l’humeur changeante et le sourire cruel des bourreaux. Dès que je suis assis dans son bureau, il fait entrer tout son staff et cinq militaires, dont trois se plantent juste derrière moi. Je suis ébouriffé de larmes et de soleil. Lui roule des mécaniques. Il est habillé d’un élégant costume à manches courtes. Il est rasé de près, il s’est aspergé de Yves-Saint-Laurent, je reconnais le parfum, c’est celui que je mets pour mes (trop rares) rendez-vous galants.

Pour la première fois, alors qu’il l’avait nié au micro de RFI, il reconnaît que l’armée est responsable de la mort des manifestants : « Notre souhait aurait été de les arrêter, si on pouvait les arrêter, que de les tuer ». Il se perd dans des diatribes complotistes, charriant pêle-mêle des manifestants « armés de fusils de guerre, de fabrication locale », des djihadistes, des drones français et l’ambulancier qui aurait été tué par les manifestants (alors qu’une vidéo montre l’armée le battre à mort).

Les traits de son visage deviennent des lames, ses yeux brillent d’une lueur mauvaise. Rien de surprenant : Madifing Diané a été tortionnaire au camp Boiro, lieu de sinistre mémoire où entre 1960 et 1984, 50 000 Guinéens ont perdu la vie par la faute et la folie du président Sekou Touré. Un détail, toutefois, fait basculer la scène du terrifiant au grotesque : Madifing Diané a oublié d’enlever l’étiquette de ses lunettes. Il inspire tant la peur, que personne n’ose lui faire la remarque. 

EHPAD et forteresse

Pendant ce temps-là, loin de la Guinée, Alpha fait des mains et pieds pour sauver son trône. Il cherche désespérément du soutien à l’étranger, que ce soit au sommet de l’Union Africaine en Ethiopie, ou à la Mecque : la télé nationale l’a montré faisant le tour de la Kaaba, au pas de course. Quand ils n’ont plus d’amis, les dictateurs tombent souvent très copains avec Dieu. Dans un registre plus profane, Alpha se fait livrer des armes et un bateau producteur d’électricité par la Turquie d’Erdogan. Il tente de se rabibocher avec Benny Steinmetz, le sulfureux milliardaire israélien qu’il avait délesté en d’autres temps de la mine de fer de Simandou. Un accord d’indemnisation a été trouvé. L’avocat de Steinmetz n’est autre qu’un certain Nicolas Sarkozy.

Aux médias internationaux, Alpha assure que le référendum constitutionnel, couplé avec les élections législatives boycottées par l’opposition, se tiendra bien le 1er mars. Le FNDC, par la voix de son coordonnateur Abdourahmane Sano, répond qu’Alpha sera parti avant cette date. Le président guinéen semble désormais vivre dans un monde qui n’appartient plus qu’à lui, dans une réalité qu’il s’est construite de toutes pièces. Il croit que son palais, transformé à la fois en EHPAD et en forteresse, sera imprenable. Mais déjà, comme au Burkina Faso en 2014 ou au Soudan en 2019, le peuple frappe à la porte. Alpha pourra lui faire tirer dessus, rien ne l’empêchera d’y rentrer. Sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution.

Image de Une : Manifestation à Conakry, Guinée, le 6 janvier 2020. Crédits : Cellou Binani / AFP.

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