Je fais un don
L'édito

Le regard d'un des journalistes du Média sur l'actualité et les grands enjeux du moment

En marche vers la guerre civile

Bonjour à tous. Voici mon 14ième édito. Un édito orange et mécanique.
Un édito orange mécanique. Merci Stanley Kubrick.

Je suis au Média à un point nodal de l’information.
Un endroit très connecté. En une journée, il n’est pas rare que je voie passer sur mes fils plus de cent vidéos de manifestations, principalement des flics qui tabassent ou qui gazent des pompiers, des profs, des gilets jaunes, des avocats, des électriciens, des cheminots, des étudiants, des passants… 
Et réciproquement. Même si la réciproque est maigre et si les manifestants sont de plus en plus déterminés à ne plus subir.

Ces images de violence me rentrent dans la tête à forte dose un peu comme Alex le héros buveur de lait shooté de Kubrick et de Burgess.

En marche vers la guerre civile
Alex DeLarge, personnage principale du film "Orange Mécanique" de Stanley Kubrick, adapté du livre d'Anthony Burgess du même nom.

Bien qu'on ne m’écarquille pas les yeux en me forçant à voir, la petite musique et les images de guérilla urbaine me rongent et occupent mon esprit depuis si longtemps…

Le 2 novembre 2018. C’est ce jour-là que tout a commencé pour moi. Mon premier post favorable au mouvement naissant des Gilets Jaunes et les débuts de la répression.
Mais il y a d’autres formes de bestialité que ces combats quotidiens contre les forces de l’ordre, ou du désordre c’est selon…

La loi sur les retraites si mal préparée, si mal financée, si mal défendue a laissé table-ouverte à tous les ministres et députés Macronistes qui jouent une partition si mensongère, absurde, stupide, outrecuidante qu’on se demande qui a pu leur souffler un scénario pareil… Quel diable ? Quel lecteur tordu de Machiavel ? Quel mauvais pickpocket ?

En marche vers la guerre civile
Articles de presse publiés suite à l'avis défavorable du Conseil d'État concernant le projet de réforme des retraites.

Dès qu'Emmanuel Macron ou un de ses ministres réagit à l’actualité, je reçois une alerte sur mon fil Télégram… Et je suis affligé.
Mais quand j’allume la télévision et que je zappe sur les infos, je ne vois rien de cela… Mais tout le contraire…

Parfois je me dis que mon sens critique se déforme à force d’assister à cette effervescence, ces manquements à la déontologie journalistique et ces propos débiles se succéder à un rythme si effréné.

Souvent je me dis que ce gouvernement vacillant à la tête duquel ils sont si peu à décider, qui voit de plus en plus de députés benêts… euh pardon bernés lâcher la rampe malgré la solde, ne tient que grâce à sa police qui frappe et à ses journalistes qui souffrent de conjonctivite.

Je sais, ça ne va pas plaire à mes confrères. Mais je m’en fous. Je n’ai jamais été confraternel, ni conspirationniste. Ni militant. Ni aveuglé par une quelconque religion ou idéologie. Ma chance tient à mon éloignement, dans le fait de ne pas habiter Paris, d’éviter les diners en ville et les services à rendre.

Je suis à une place où je vois passer les cadavres sur le fleuve tourmenté de la Macronie. Comme si c’était le Mississipi…

Savez-vous que dans ce pays, un pauvre sur 4 mourra avant sa retraite ? Et que plus on est riche, plus on vit vieux ? 80 ans, âge moyen, toujours selon l’Insee pour les mâles blancs fortunés.
Compte tenu de ces stats, où est la justice, la solidarité, l’équité dans le projet de réforme du gouvernement ?
Évidemment nulle part. Comment font-ils pour nous dire avec aplomb le contraire?

La vidéo la plus flippante de la semaine – celle qui montre à quel point notre pays, ses valeurs, son contrat social, est en train de basculer – nous vient de Bordeaux, de la gare de Bordeaux…

Je sais que les flics se sont défendus en assurant que le jeune homme qu’ils venaient d’arrêter leur avait balancé « un projectile »… Mais ce dernier a été innocenté de tout jet après 30 heures de garde à vue quand même.

En marche vers la guerre civile
Communiqué de presse de l'avocat du manifestant frappé par un policier à Bordeaux samedi 8 février 2020.

Les policiers ont toujours une bonne défense et sont repris depuis des mois et des mois par des journalistes si complaisants que le dégoût s’est installé.
Il y a Bordeaux. Et là aussi, on a vu que les voyageurs, disons la masse d’habitude silencieuse, manifestait sa colère et son inquiétude face au matraquage des robocops de Castaner.

Trop c’est trop.
Car avant Bordeaux, c’était Paris. Contre un autre mur qui permettait le défoulement. Des bas instincts.

Je cherchais un film à la mesure de cette sauvagerie. Le seul c’est orange mécanique. C’est d’une telle évidence.
Mille raisons à cela… Les policiers tabassant avec leurs tonfas ressemblent tellement aux canes utilisés par Alex Delarge et ses amis les droogs…
Mais au-delà de ce parallèle facile, c’est tout ce que dit et prévient le film sur une société qui – faute d’hommes politiques intègres et de services publics solides – bascule dans le libéralisme sauvage et donc dans l’hyperviolence.

J’ai l’impression qu’on y est.

En marche vers la guerre civile

Un ami avocat après la vidéo de Bordeaux m’a écrit :

- Si tu as le contact de ce jeune, dis-le moi je fonce et je les défonce

Je lui réponds :

- Ça devient Orange mécanique dans le pays.

Il enchaîne :

- Ca devient folie pure tout court. Il n’y a plus de limite. On fait nos bagages ?

Je réfléchis avant de lui glisser :

- Attends, j’ai un édito à finir.

Et là, il m’écrit :

- Ok mais Darling, il faut quand même que tu changes un peu... C’est là qu’on voit que rien ne change, tu commentes l'actu et c’est toujours la même chose, rien ne change.

Mon copain m’appelle Darling. Je l’aime beaucoup. On parle souvent. Il n’était pas très chaud pour que je vienne au Média. Tu as mieux à faire, disait-il. Mais j’ai tenu bon. Je n’ai pas de regret.

Mais ces derniers temps, je me sens faiblir. Pas ma détermination. Ni ma vision du Macronisme. Elles se durcissent. Mais j’ai des petits coups de mou quand je vois que malgré tous ces mois de lutte, ces jours de grèves, ces privations, ces injustices, le pouvoir, la tête de l’État, Emmanuel Macron, reste de glace. Et continue à nous faire son cinéma.

Je suis là grâce à une élection démocratique. J’ai raison envers et contre tous ; je veux votre bien, j’ai un QI tellement supérieur au vôtre.

Je ne vois plus rien qui pourrait racheter ce président et son gouvernement. Même quand il parle de handicap ou tente de lancer un débat sur les auxiliaires de vie sexuelle pour les handicapés – idée plutôt réjouissante – je sens la grosse ficelle, le calcul, le leurre, l’absence totale de sincérité.

Je ne marche plus.

Rien ne change et tout empire malgré ce qu’on essaie de faire ici, grâce à votre soutien.

Vous êtes de plus en plus nombreux (de gauche mais aussi et c’est nouveau de droite, désolé pour les idées reçues) à nous envoyer des chèques accompagnés de mots chaleureux.

On est devenu la première télé de" service public du web"…

Je ne marche plus à leurs combines.

Je ne suis pas comme Anna Cabana qui nous a sorti cette semaine le couplet le plus ahurissant de lèchebotisme télévisuel. C’est tellement beau que même Blanche Gardin – si elle évoquait la politique dans ses shows – n’oserait pas. Si elle m’écoute, je lui laisse (Blanche, si tu m’écoutes). Je te laisse carte… blanche pour mon prochain édito. Tu viens, tu me remplaces. Je t’assure. Le Macronisme, c’est pire que le cul ou les rapports homme-femme niveau galère, c’est très inspirant.

Tiens prends Cabanna. Dans sa bouche, Macron c’est Kim Jong-un. Notre guide si beau et si subtil.

Et tu as vu Robert Badinter à l’émission C’est à vous ?

Au hit-parade de la plus belle dégueulasserie journalistique du mois, de l’ignominie déontologique, du détournement de fond, je place très haut Patrick Cohen. Je sais qu’il est en cour, qu’il est la locomotive de Lagardère sur Europe 1 après avoir fait les beaux jours d’Inter… Il m’avait parfois énervé par sa molle bienpensance, mais bon pas de quoi en faire une pendule sauf ce jour-là chez Elisabeth Lemoine où ils reçoivent Robert Badinter qui parle des camps et de la Shoah avec beaucoup de flamme. On est ému par le vieil homme. Et là, sans prévenir, sans transition ou presque Patrick Cohen lui montre d’autres images de « violence ».

Des petites têtes de Macron sur des pics. Des images qu’en manif on a vu cent fois, mille fois. Tant Macron est détesté par la plèbe.
Cohen après l’horreur des camps enchaîne sur l’horreur des Gilets Jaunes…
Il aurait pu équilibrer montrer les policiers tabasser des handicapés, gazer des enfants, frapper des hommes à terre.
Non il s’émeut du symbole et Robert, le vieux et respectable Badinter de tomber dans le panneau.

En marche vers la guerre civile
Émission "C à Vous" du lundi 27 février 2020.

C’est c’est baddiwad, ça schlingue dru le gouspin comme disent les héros de Burgess dans le film de Kubrick.
La censure est tellement forte qu’ils ont inventé un langage à eux, mélange d’anglais et de russe. Le nadsat.
Cette séquence donne une furieuse envie de bogner et de dunger. Tout ce krovvy dans le gulliver.

De plus en plus j’ai l’impression de ne pas vivre dans le même monde qu’eux.

J’ai vu un documentaire cette semaine. Il s’appelle « Ma blessure d’âge adulte ». Il va passer sur France 3 Île-de-France en mars. C’est le journal intime d’un manifestant qui, gazé par la police lors de la manifestation du 1er mai 2018 va sauter d’un pont pour échapper à leurs coups et se fracturer la tête et la mâchoire. C’est très émouvant. Le gars remonte le fleuve de sa vie qu’il n’arrive plus à mener à son terme depuis l’agression policière.

En marche vers la guerre civile
"Ma blessure d'âge adulte" - Mattéo Moschler

Puis il rencontre d’autres victimes de la police, Franck un Gilet Jaune qui vit dans sa voiture, Lola une victime de LBD ou Vanessa qui a perdu un œil. Ensemble, ils racontent le trauma et le sentiment profond d’injustice qui les mine. Je voudrai vous montrer ce moment… C’est Vanessa qui parle. Elle évoque le droit de réserve des gendarmes…

C’est à méditer. On a toujours le choix de ne pas y aller, de faire la grève des coups de matraque et de LBD qu’on soit CRS, baqueux ou gendarme. Vous n’êtes pas obligés de cogner les gars. Rien ne vous oblige à cette violence-là. Rien ne la justifie. Rien.

En marche vers la guerre civile
"Ma blessure d'âge adulte" - Mattéo Moschler

Merci Mattéo Moschler pour ce très beau documentaire.

Il montre ce que les médias des emmarcheurs ne montrent jamais. Les révoltés coûte que coûte. Tous ces garçons, ces filles, jeunes, vieux, qui continuent chaque samedi, chaque jours, dans les lycées, les hôpitaux, les centrales nucléaires, les raffineries à dire non à Macron et à ce foutu monde qu’il veut nous imposer à coups de 49.3.

S’il y en a un qui a bien compris que ça commençait à chauffer pour son matricule. C’est le Premier Ministre Édouard Philippe. Il va donc se présenter aux municipales du Havre en prévenant qu’il occupera le fauteuil de maire s’il est élu, quand il sera viré de Matignon. Et Macron, par le truchement (crachement) de Sibeth N’Diaye de s’en féliciter.

Je ne sais pas vous, mais j’appelle ça du foutage de gueule. Je lisais hier un papier dans le Monde sur le mariage de raison entre les deux amis d’État.
« Un mec qui a été numéro 2 pendant 20 ans, il sera numéro 2 pendant toute sa vie je ne le crains pas »
aurait dit Macron à un sbire qui l’a répété au gars du Monde.
« On en connaît des mecs intelligents mais celui là il est à 10000 »
aurait dit Édouard Philippe rejoignant en cela la flagorneuse pensée d'Anna Cabana.

On en est là au sommet de l’État. Où 4 mecs, des quadras énarques, blindés, se partagent la tête d’épingle du pouvoir. Le Prési, le Premier et leur deux secrétaires généraux, deux copains de l’ENA : Alexis Kolher pour l’Élysée, Benoit Ribadeau Dumas pour Matignon. « DES ROBOTS » dénonce l’article : « Quand vous allez en réunion avec eux, il vaut mieux être réveillés ».

Ou endormis.
Moi j’aurais tendance à la flemme face à des types qui sont si sûrs d’eux et qui portent la France à bout de bras.
Ils en ont tellement rien à foutre de rien.

Leur seul drencrom ce qui occupe entièrement leur rassoudok, c’est la prochaine élection. Leur messel ultime : Faire réélire le patron.

Et il s’y applique à coup de censures et tonfas.
Mon dernier édito, contrairement au précédent, n’a pas été censuré par YouTube.
Qu’en sera-t-il de celui-ci ? je ne sais pas. Suspens. [NDLR : cet édito a été soumis à une limite d'âge par YouTube depuis].

Je fais gaffe, pas envie de me faire plocher par leurs rosses.

Ma page Facebook tient aussi. Pour combien de temps ? Va savoir… les militants d’Extinction Rebellion, ceux qui ont envahi le siège de Black Rock à Paris (et les gars bravo, revenez en deuxième semaine) ont vu leurs pages Facebook fermées. Toutes sans exception, ni explications…

C’est la preuve que vous devenez vraiment emmerdant. Maigre consolation.

Nous cette semaine, c’est du meeting parisien de la REM qu’on est refoulés. Ce n’est pas la première fois – la dernière, c’était à celui de Benjamin Griveaux – mais au moins c’est clair. On y accepte Minute, Valeurs Actuelles, l’Humanité, Politis… mais pas le Média…

Mon copain Serge Faubert, vous savez le p'tit coup de Bourbon voulait se faire accréditer pour la réunion publique de députés LREM autour de Laetitia Avia qui veut légiférer sur les appels à la haine… Et bien c’est niet.

Motif : ils veulent « préserver la sérénité de la réunion… Les liens entre La France insoumise et le Media sont connus, ce n'est pas une presse d'opinion mais de la propagande » explique-t-on en off…

Ben voyons.
Ses journalistes – donc moi en tête – seraient d’abord des "militants".
Mais bien sûr.
Moi je suis un militant. Et pas Patrick Cohen, ni Anna Cabana, ni Léa Salamé. Ni Yves Calvi. Ni Pascal Praud.
Je sais lui, c’est plus fort que moi… Franchement, ça me fait marrer.

Sans trop la ramener. S’il y a un sujet sur lequel ces professionnels de la politique et des médias n’auront jamais aucune leçon à me donner, c’est en matière de journalisme. C’est une matière que je connais. J’y ai fait mes preuves. 
Ces histoires de militantisme, cette proximité avec la FI, sont tellement stupides et sans fondement que je n’ai pas envie de me défendre.

La situation politique et sociale de ce pays est intenable. Même le MEDEF commence à flipper.

Je vois bien la stratégie. Tout le monde l’a vue. Macron contre Lepen. Les municipales sont un terrain préparatoire. Ce serait donc ce casting notre seul issue.
Mais ça ne marchera pas, pas cette fois, je n’y crois plus. Dans deux ans, même un âne contre ces deux là pourrait l’emporter.
Un âne de droite ou de gauche peu importe…

Ça ne va pas tenir. Les flics ne vont pas tenir. Les journalistes ne vont pas tenir. Il y a cette électricité dans l’air. Et comme une odeur de guerre civile.

Édouard Philippe l’a bien compris lui.
Il a raison d’assurer ses arrières. Le Havre, ses embruns. Sa centrale nucléaire à proximité.
Le bonheur…

Allez, salut.

L'édito

Le regard d'un des journalistes du Média sur l'actualité et les grands enjeux du moment

En voir +

Vous aimerez aussi

Le Média n'appartient ni à l'état, ni à des milliardaires, il est financé uniquement par des citoyens comme vous.

Il est en accès libre pour le plus grand nombre grâce à des citoyens qui contribuent tous les mois. Devenez Socio pour soutenir l'information indépendante !

Rejoignez les Socios

Afin de rester indépendant et en accès libre pour le plus grand nombre, et de continuer de vous proposer des enquêtes sur les magouilles de la Macronie et les arnaques des multinationales, des reportages de terrain au plus près de ceux qui luttent, des entretiens, débats et émissions comme on n'en voit plus à la télé, nous avons besoin de vous !