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La grande H.

« L’histoire avec sa grande hache » : l’écrivain Georges Pérec, avec ce jeu de mots, a désigné ce qui a tranché dans son histoire personnelle en le privant de ses parents dès l’enfance. Avec cette émission, Le Média vous propose de nous tourner vers le passé, récent ou plus éloigné, en compagnie de celles et ceux qui l’explorent et qui le font connaître.

Les sorcières, premières féministes ? Mythe et histoire | Paule Petitier, Julien Théry

L'inventeur de la sorcière comme figure de la puissance, de la liberté et de la révolte féminines était un homme – même s'il disait avoir « les deux sexes de l'esprit » – et un très grand historien, Jules Michelet (1798-1874). L'invitée de ce 45e nouvel épisode de « La grande H. », Paule Petitier, est une éminente spécialiste de Michelet, auquel elle a notamment consacré une biographie (Michelet, L'homme histoire, Grasset, 2006). Elle a consacré récemment une très belle étude au livre intitulé La Sorcière, paru en 1862, dans lequel Michelet a élaboré l'idée d'un rapport féminin au monde, et particulièrement à la nature, qui aurait représenté une résistance à l'esprit mortifère du christianisme

Depuis la fin des années 2010 et le succès du mouvement #MeToo en particulier, les #sorcières sont devenues des emblèmes presque consensuel, voire mainstream, du féminisme, comme en témoigne le succès énorme du livre de Mona Chollet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes (Zone, 2018). En réalité, dès la fin des années 1960 et les années 1970, mais dans un climat beaucoup moins favorable, les féministes s'étaient déjà reconnues dans l'histoire des sorcières. Par la suite, les philosophes éco-féministes marxistes comme Silvia Federici (avec son livre Caliban et la Sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive, 2004, trad. fr. 2014) avaient théorisé le développement de la chasse aux sorcières en relation avec l'essor du capitalisme à partir de la fin du Moyen Âge. Un nouveau rapport à la nature et aux sciences se serait alors instauré, qui aurait, conjugué au développement du travail invisible et non rémunéré nécessaire à l'accumulation du capital, suscité une répression sans précédent contre les femmes. 

Certains historiens portent un regard sévère et désapprobateur sur cette interprétation et, partant, sur l'usage contemporain de la figure de la sorcière dans une logique politique anti-patriarcale. Leur critique est principalement fondée sur une exigence d'exactitude factuelle : le nombre des victimes a été beaucoup moins important que ne le suggère souvent la littérature féministe (50 à 100 000 victimes en trois siècles et non un million comme on l'a parfois écrit) ; il y a aussi eu beaucoup de sorciers, même s'ils sont devenus rapidement minoritaires à partir du XVIe siècle... Il serait paradoxal, en outre, de faire de pauvres victimes prises comme bouc émissaires, maltraitées et souvent brûlées, des symboles de la force des femmes et de leur capacité à surmonter l'oppression. Ces censeurs ignorent cependant en général que l'inventeur de la sorcière comme figure de la puissance, de la liberté et de la révolte féminines était un homme – même s'il disait avoir « les deux sexes de l'esprit » – et un très grand historien, Jules Michelet (1798-1874). L'invitée de ce nouvel épisode de « La grande H. », Paule Petitier, est une éminente spécialiste de Michelet, auquel elle a notamment consacré une biographie (Michelet, L'homme histoire, Grasset, 2006). Elle a consacré récemment une très belle étude au livre intitulé La Sorcière, paru en 1862, dans lequel Michelet a élaboré l'idée d'un rapport féminin au monde, et particulièrement à la nature, qui aurait représenté une résistance à l'esprit mortifère du christianisme tout au long du Moyen Âge et jusqu'au XVIIe siècle inclus (avant la libération représentée aux yeux de Michelet par les Lumières et la Révolution française). 

Les thèses des philosophes éco-féministes sur la relégation des femmes concomittante de la nouvelle dynamique capitaliste aux XVe, XVIe et XVIIe siècle semblent bien rejoindre, dans d'autres termes, la vision micheletienne d'un alourdissement de l'oppression qui expliquerait une forme de rébellion et la répression des sorcières à cette même époque. Tandis que les historiens positivistes et « historisants » (c'est-à-dire hantés par la peur de l'anachronisme), crispés sur les détails et les singularités propres à chaque cas, demeurent impuissants à expliquer pourquoi on s'en est pris aux sorcières à la fin du Moyen Âge et pendant les deux premiers siècles de l'âge moderne, alors qu'elles n'avaient pas été l'objet d'inquiétude ni de répression particulière jusque là.

Montage Bérénice Sevestre. Une émission de Julien Théry.

Les sorcières, premières féministes ? Mythe et histoire | Paul Petitier, Julien Théry
Les sorcières, premières féministes ? Mythe et histoire | Paul Petitier, Julien Théry

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« L’histoire avec sa grande hache » : l’écrivain Georges Pérec, avec ce jeu de mots, a désigné ce qui a tranché dans son histoire personnelle en le privant de ses parents dès l’enfance. Avec cette émission, Le Média vous propose de nous tourner vers le passé, récent ou plus éloigné, en compagnie de celles et ceux qui l’explorent et qui le font connaître.

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