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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Cette Europe qui impose de baisser les impôts des riches

"Tout nouveau pouvoir donné aux institutions européennes est aujourd’hui synonyme de réduction de la démocratie et de marche forcée vers le libéralisme. L’urgence, pour les peuples européens, est d’imposer un changement de cap". Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l'économiste atterré Henri Sterdyniak pointe les errements de l'Europe libérale.

Le 9 mai, journée de l’Europe, est en fait celle de l’Union Européenne, dont il existe deux visions. Pour les uns, l’UE doit défendre, face à aux États-Unis et la Chine, des valeurs européennes, c’est-à-dire une société mixte, un modèle social européen caractérisé par de fortes dépenses publiques et sociales, la retraite publique par répartition, les prestations chômage, l’assurance maladie universelle, un revenu minimum, le droit du travail avec les négociations collectives, la protection de l’emploi et un salaire minimum, des services publics universels pour l’école, les hôpitaux, les transports collectifs et une fiscalité redistributive. Elle doit viser à harmoniser vers le haut la protection sociale des États-membres. Elle doit leur permettre de protéger leurs recettes fiscales, de taxer les plus riches et les grandes entreprises multinationales, et de taxer la pollution. Elle doit lutter contre la financiarisation et la spéculation. Elle doit permettre aux pays membres de pratiquer une politique de plein-emploi en les protégeant des marchés financiers. Au niveau mondial, elle doit défendre le multilatéralisme, c’est-à-dire une gestion commune et équilibrée des problèmes mondiaux. Aujourd’hui, elle doit impulser le tournant écologique, la lutte contre le changement climatique et pour la sauvegarde de la nature. De ce point de vue, l’Europe est indispensable car chaque pays isolé serait impuissant. Malheureusement, cette Europe idéale n’existe pas. Les institutions européennes sont dominées par une idéologie fédérale, libérale, et technocratique. L’Europe prive les États démocratiques (soumis aux tentations démagogiques) de leurs pouvoirs pour concentrer ceux-ci dans des instances européennes technocratiques (comme la BCE, la Commission, la Cour de justice de l’Union Européenne, les Conseils des Finances publiques) qui feront évoluer les États-membres vers un modèle libéral, le seul compatible avec la mondialisation.


[Dans cette logique,

NDLR], il n’y a pas d’alternative, pas d’autres choix possibles, politiques ou sociaux. Les règles budgétaires, rigides et absurdes, introduites dans le traités européens permettent aux instances européennes d’imposer des politiques d’austérité. Pour elles, il ne faut pas soutenir la demande ou garantir les dettes publiques, ce qui permettrait aux États de retarder les réformes nécessaires. Au contraire, il faut permettre aux marchés financiers de juger de la politique budgétaire des États membres et de pénaliser ceux qui ne font pas une politique conforme aux préceptes libéraux La monnaie unique, qui avait été vendue aux peuples européens comme devant permettre une politique budgétaire autonome (puisque protégée des marchés financiers), sert aujourd’hui à leur imposer un corset rigide.


Aucune leçon n'a été tirée de la crise financière

La technocratie européenne prétend que la croissance sera obtenue par des réformes structurelles : baisse des dépenses publiques et sociales, baisse des impôts, déréglementation des marchés des biens et des marchés financiers ; que l’emploi sera favorisé par la baisse des salaires et des prestations sociales, par la mise en cause du droit du travail et donc par la précarisation des salariés. Pour les libéraux, l’Europe ne doit pas harmoniser la fiscalité, mais au contraire laisser jouer la concurrence fiscale. Les pays doivent être contraints de baisser leurs impôts sur les plus riches ou les grandes entreprises, qui doivent pouvoir choisir l’endroit où ils sont imposés. L’Europe ne fait rien contre l’Irlande ou les Pays-Bas qui facilitent l’évasion fiscale. Au nom de la concurrence libre et non faussée, L’Europe impose de démanteler les services publics. Elle réclame la baisse des retraites publiques pour permettre le développement des fonds de pension. A Bruxelles, les lobbys industriels et financiers pèsent lourdement sur les directives européennes. Avec l’union bancaire, les États perdent toute possibilité d’intervenir sur la distribution du crédit. Avec l’union des marchés de capitaux, le rôle des marchés financiers est accru. Aucune leçon n’a été tirée de la crise financière. Toute politique industrielle est interdite. Tant pis pour des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la France qui doivent accepter la désindustrialisation sans pouvoir réagir. Comment prendre le tournant écologique sans politique du crédit et sans politique industrielle ? Les décisions sont prises par la Commission et le Conseil Européen sans débat démocratique des citoyens. Ainsi, tout nouveau pouvoir donné aux institutions européennes est aujourd’hui synonyme de réduction de la démocratie et de marche forcée vers le libéralisme. L’urgence, pour les peuples européens, est d’imposer un changement de cap.

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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

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