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Le procès politique contre Julian Assange continue : mobilisons-nous ! Une tribune d'Aurore Van Opstal

Par Aurore Van Opstal

Aurore Van Opstal est une journaliste, autrice et réalisatrice belge

Nous sommes alarmés, au Média, par le sort de Julian Assange, actuellement détenu au Royaume-Uni sans aucun motif juridique sérieux et dans des conditions qui s'apparentent à la torture. Après la présentation par les États-Unis, le 24 juin dernier, d'une nouvelle formulation de leurs accusations contre le fondateur de Wikileaks – pas plus solide que les précédentes –, une audience décisive doit se tenir à Londres le 7 septembre prochain au sujet de la demande d'extradition maintenue par Washington. Nous reviendrons amplement, avant cette date, sur les enjeux fondamentaux du sort d'Assange pour l'avenir de la liberté de la presse et de la démocratie. Et nous ouvrons aujourd'hui notre rubrique « Points de vue » à une tribune de la journaliste belge Aurore Van Opstal en soutien au prisonnier politique de Londres.

Le 3 juillet dernier, un homme en isolement fêtait son 49e anniversaire derrière les barreaux d’une prison anglaise. L’évidence est là : Julian Assange subit un procès politique en Occident avec les États-Unis à la manœuvre. À en croire les médias mainstream, on pourrait penser que tout le monde s’en fout.

Et pourtant, Julian Assange est défendu par les plus grands journalistes d’investigation actuels et de nombreuses organisations : John Pilger, la Fédération Internationale des Journalistes, Reporters sans frontières...

Mensonge et calomnie : comment on a présenté Assange aux féministes comme un violeur

Je me revendique féministe et certaines de mes amies de combats ne comprennent pas que je défende « un violeur ». Je défends toujours, par principe, toutes les victimes de viol et pour cause : je connais la thématique. Quand on sait que seulement 10 % des victimes portent plainte, qu’il y a peu de condamnations des violeurs et que seulement 7 % des plaintes sont fausses selon l’étude d’un psychologue américain, oui, je pense que la grande majorité des femmes qui disent « j’ai été violée » ont été violées.

Mais le cas d’Assange est l’exception. Il ne peut être qualifié de « violeur » alors qu’il n’a JAMAIS été accusé de viol et que les deux plaignantes auxquelles ont fait allusion à ce sujet n'ont jamais nié que leurs relations avec lui ont été consentantes. Elles ont simplement exigé qu’il fasse un test du SIDA. Ce qu’il a fait. C'est la procureure Marianne Ny qui a (littéralement) falsifié son mandat d'arrêt en déformant les propos des témoins (fait reconnu par la Haute Cour Britannique). J’invite les féministes, à l’instar de « Woman Against Rape », que je sais honnêtes intellectuellement, à rejoindre le camp de d’Assange, grand défenseur de la liberté d’expression et d’un quatrième pouvoir médiatique fort. Assange risque jusqu’à 175 ans de prison car il a joué un rôle majeur de lanceur d’alerte dans l’intérêt général. Il risque de mourir tout court. Être féministe, c’est avant tout être humaniste. 

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Comment on torture Assange en prison

Julian Assange, qui ne purge aucune peine, est actuellement en détention préventive, emprisonné à la prison de haute sécurité de Belmarsh, est malade. Il risque d'être exposé au Covid-19, avec des conséquences aggravées par ses problèmes de santé, attestés par un rapporteur de l’ONU. Sa libération est d’autant plus urgente.

Seulement pour avoir diffusé sur Wikileaks la vidéo « Collateral Murder », qui a permis de voir la vérité sur la mort du journaliste de Reuters Namir Noor-Eldeen et de son chauffeur et assistant Saeed Chmagh, abattus le 12 juillet 2007 à Bagdad par un hélicoptère américain, Julian Assange, vit un calvaire injustifié. Il n’a rien fait, il est innocent !

On parle là d’un homme qui a révélé de multiples crimes, entre autres des crimes de guerre et de corruption. Il mérite d’être libre. Point. Et de ne pas être torturé en prison comme c’est le cas actuellement. Nils Melzer, rapporteur de l’ONU a déclaré fin 2019 : « Ce que nous avons constaté de la part gouvernement britannique est un mépris total pour les droits et l'intégrité de M. Assange. Malgré l'urgence médicale de mon appel et la gravité des violations alléguées, le Royaume-Uni n'a pris aucune mesure d'enquête, de prévention ou de réparation requise par le droit international ». C’est la première fois, selon Nils Melzer, que des États ne donnent aucune suite à son intervention, au premier chef la Suède et la Grande-Bretagne.

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Accusé de « conspiration mondiale »

Dix-huit chefs d’accusation sont retenus par les États-Unis contre Julian Assange – mais comment peuvent-ils demander l’extradition d’un journaliste qui n’a jamais été sous leur juridiction ni violé une loi américaine ?

Dix-sept griefs visent à le condamner pour « espionnage ». Mais l'accusation la plus importante, dont on parle rarement, est celle qui lui impute une « conspiration pour commettre un crime organisé ». C’est là que le procès politique prend tout son sens. Car la conspiration, si elle était établie, permettrait, en droit américain, d’arrêter et de condamner TOUTE personne ayant de près ou de loin aidé Wikileaks. C’est un « effet tache d’encre » qui peut être extrêmement dangereux pour tous les proches de Wikileaks. En outre, l’aspect extraterritorial des accusations est en lui-même extrêmement dangereux pour tous les journalistes d’investigation à travers le monde.

On reproche aussi à Assange d’avoir encouragé Chelsea Manning à pirater les ordinateurs de la défense américaine. Or, Maning avait accès à la base des données en question, qui était accessible à des centaines de milliers de personnes et relativement peu protégée. Manning a spontanément choisi de faire passer les informations à Assange.

Le ministère de la Justice américain a récemment présenté un élargissement des éléments de « preuves » contre Assange. Les juristes, à la lecture de ce texte, parlent « d'amateurisme » : le texte est mal ficelé, les témoins sont douteux (parmi eux, un indicateur du FBI condamné pour escroquerie, pédophilie et cliniquement reconnu comme « psychopathe »), la chronologie des événements est falsifiée, etc....

Le procès politique contre Julian Assange continue : mobilisons-nous !

Les « nouveaux éléments » présentés cherchent à prouver qu’Assange a dirigé le piratage de la société privée « Stratfor ». Or, Stratfor avait été piraté 80 jours avant qu'Assange ne soit au courant de l'opération, par un hacker totalement indépendant de Wikileaks  !  On reproche enfin à Assange d’avoir conspiré mondialement avec, entre autres, les Anonymous –mais sans aucune preuve.

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Et maintenant ?

La prochaine audience concernant le sort d’Assange et sa potentielle « extradition » vers les États-Unis – rappelons que le terme n’est pas adéquat puisqu’Assange n’a aucun commis au crime nulle part et certainement pas sous une juridiction américaine, donc je parlerais plutôt d’un enlèvement politique – est fixée au 7 septembre prochain.

Les médias passent largement sous silence la perspective de ce procès politique, y compris la plupart des médias alternatifs. C’est à nous, citoyens du monde, d’exercer une pression forte sur le monde politique, judiciaire ET médiatique. A ce stade, seule l’opinion publique sauvera Julian Assange, Wikileaks et notre droit de savoir ! Des campagnes sont organisées pour lui et des dons peuvent être faits pour sa défense .

Et maintenant ? Interpellez les politiques australiens, la justice britannique, vos journaux. Écrivez à Julian Assange en prison (c’est important d’écrire à un prisonnier politique) et interpellez aussi… Eric-Dupond Morreti. Ce dernier, qui vient d’être nommé Ministre de la justice en France, était le représentant de Julian Assange dans ce pays. Il s’était engagé à faire une demande d’asile pour son client. Va-t-il trahir son engagement ? Ou va-t-il aller jusqu’au bout ? À nous, opinion publique, de lui rappeler : Dupond Moretti, n’oublie pas ton engagement envers Assange ! •••


Photo : Julian Assange vers 2006

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