Dans une société où la transparence est sur toutes les lèvres, la culture du secret n’en finit pas de se développer, Le Média traque les dysfonctionnements de services publics pris au piège de l’argent-roi, mais plus largement les mensonges d’Etat et les infractions des multinationales.
Révélations : les étranges méthodes des espions de la DGSI pour intimider un syndicaliste
Le 20 janvier 2024, Tayeb Khouira, agent de piste à Roissy et porte-parole de SUD aérien, est convoqué au commissariat du Blanc-Mesnil. Persuadé qu’il s’agit d’une affaire de vol de carte bancaire, il s’y rend au pas de course. Mais dans un bureau exigu, il est interrogé sur tout autre chose. Sans lui notifier ses droits ni l’informer sur le service dont ils sont issus, les deux l’interrogent sur ses pratiques religieuses, ses positions politiques et l’accusent de « glorifier le Hamas » ou d’inciter ses collègues à « tout faire exploser ». Khouira tombe des nues. Lorsqu’il demande un avocat, on lui répond qu’il n’est « pas en garde à vue » et qu’il peut partir, mais aucun procès-verbal ne lui est remis.
Il sort à 22h, sonné, et dépose plainte dès le lundi. L’IGPN remonte la convocation : un numéro prépayé, activé puis désactivé dans la même soirée. Rapidement, le commissaire du Blanc-Mesnil informe l’IGPN qu’il s’agissait de policier du renseignement français. L ’enquête passe à l’IGSI – l’inspection générale de la sécurité intérieure. Dans son rapport que nous nous sommes procuré en exclusivité, le service prétend avoir agi de la sorte dans le cadre d’ -une « menace terroriste imminente » visant un vol au départ de Roissy le soir même, justifiant cette audition « administrative » du syndicaliste, hors de tout cadre judiciaire.
Un argument étonnant au regard de la méthode : convoque-t-on librement un homme supposé dangereux à 18h, pour un attentat censé avoir lieu le soir même ? Maitre Augier, l’avocate de Tayeb Khouira y voit plutôt une opération de renseignement visant les activités syndicales et le militantisme de son client dans le cadre des mobilisations en soutien au peuple palestinien. Khouira, lui, parle de « barbouzerie » et d’intimidation dans un contexte de répression sociale. Sa plainte pénale a été classée sans suite, mais il entend désormais mettre en cause l’État devant le tribunal administratif.