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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Macron déclare la guerre aux fonctionnaires

Les fonctionnaires ne seront-ils bientôt plus qu'un lointain souvenir ? Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l' économiste atterré Henri Sterdyniak décrypte les dessous d'un projet de démantèlement de la fonction publique.

Le gouvernement va faire voter une loi de transformation de la fonction publique. Cette loi est une nouvelle étape dans le projet des classes dirigeantes : réduire le nombre de fonctionnaires, privatiser ce qui peut l’être, mettre en cause le statut de la fonction publique, remplacer des emplois de fonctionnaires par des emplois précaires et mal payés, et surtout briser ce qui fait l’essence de la fonction publique : la capacité d’être au service de la nation et des citoyens, l’autonomie par rapport au gouvernement et la déontologie du service public.

Le projet de loi reçoit l’opposition unanime des syndicats de la fonction publique. Le contentieux entre les fonctionnaires et les gouvernements successifs est lourd. Depuis 2010, l’indice des salaires de la fonction publique ne suit pas l’inflation. Ainsi, depuis 2000, le pouvoir d’achat des fonctionnaires a baissé de 18%. Cela pèse tout particulièrement sur les jeunes en début de carrière.

Emmanuel Macron a proclamé son objectif : il s’agit de réduire de 120 000 les effectifs de la fonction publique. Drôle d’objectif, alors qu’il manque plus de 2 millions d’emplois, que les besoins de personnel sont criants dans les hôpitaux, les maisons de retraite et l’enseignement supérieur.

La réforme vise à appliquer au secteur public les reculs de droits sociaux imposés aux salariés du secteur privé :

  • Le titre 1 réduit fortement le nombre des instances de dialogue social, et donc de représentants du personnel. Il diminue leur rôle. Les syndicats n’auront plus voix au chapitre dans les décisions de mutations ou de promotions. Ils ne pourront plus intervenir directement contre les décisions injustes, que ce soit pour des cas individuels ou des problèmes collectifs.
  • Le titre 2 augmente le pouvoir des managers sur leurs collaborateurs, puisque c’est le vocable utilisé maintenant. Il augmente le poids dans les hausses de rémunération de l’appréciation du mérite du fonctionnaire, évalué par son manager. Il généralise l’embauche par contrat (sachant que les contractuels représentent déjà 20% des emplois publics). Il ouvre la possibilité de confier des postes de direction à des non-fonctionnaires. Rien ne garantit que ces personnes auront les compétences nécessaires, qu’elles ne seront pas nommés par copinage (ironie du sort : le Conseil d’État vient de censurer la nomination de Philippe Besson comme consul de France à Los Angeles ; sa seule qualité était d’avoir écrit un ouvrage de courtisan sur Emmanuel Macron). Rien ne garantit surtout que ces personnes, qui feront des aller-retour entre public et privé, auront bien le sens du service public, qu’ils défendront bien l’intérêt public (et pas les intérêts de leurs entreprises passées ou futures). Une telle disposition est décourageante pour les fonctionnaires dont les possibilités de promotion sont réduites.
  • L’article 7 crée des contrats de projet : une personne serait embauchée pour un travail bien précis, pour un contrat de 1 à 6 ans, sans aucune possibilité d’accéder à un CDI. Faut-il étendre la précarité de l’emploi au service public ?
  • L’article 26 instaure un mécanisme de rupture conventionnelle dans la fonction publique. Ainsi, l’administration pourra faire pression sur un agent pour qu’il quitte la fonction publique contre une certaine indemnité.
  • Enfin, les articles 27 et 28 préparent le rétrécissement du service public. Il s’agit de supprimer des postes en prévoyant, pour les fonctionnaires concernés, des indemnités de départ et le droit au chômage ou une formation pour exercer un nouveau métier ou la poursuite de l’emploi dans le service privatisé (si les nouveaux dirigeants l’acceptent). Faut-il organiser la privatisation des services publics quand ceux-ci sont souvent plus efficaces et moins coûteux que le privé ?

Toutes ces dispositions témoignent du peu de considération du gouvernement pour les fonctionnaires. Elles sont démobilisatrices pour tous les agents du service public.

C’est la réforme inverse qui aurait été nécessaire, c’est à dire une convergence vers le haut du privé vers le public. La stabilité de l’emploi est nécessaire pour inciter les salariés à s’investir dans leur emploi, pour inciter les entreprises à faire progresser leurs salariés, les aider à s’adapter à de nouveaux métiers. Dans les deux secteurs, les hiérarchies des statuts et des salaires devraient être réduites. Enfin, les salariés du privé devraient avoir une certaine autonomie, la possibilité d’intervenir dans les décisions de leur entreprise pour préserver la qualité des produits et des services, et donc les intérêts des clients.

Pour aller plus loin : Réforme de la fonction publique, la colère des syndicat s

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