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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

Gilets Jaunes : Macron ne cédera rien

Suppression de l'ENA, retraites, non-retour de l'ISF : dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l'économiste atterré Henri Sterdyniak décrypte la conférence de presse présidentielle du 25 avril et ses dangers.

La conférence de presse d’Emmanuel Macron ne marquera pas un tournant. Macron ne prendra pas de mesures fortes pour faire payer les plus riches, ou les grandes entreprises : l’ISF n’est pas réintroduite, le combat contre l’évasion et l’optimisation fiscale est reporté après un nouveau rapport de la Cour des Comptes. Les privatisations, mêmes les moins fondées sur le plan économique et financier, celles de l’aéroport de Paris ou de la Française des jeux, ne sont pas remises en cause. Aucune mesure forte n’est annoncée pour la réduction des inégalités de revenu, la transition écologique ou la démocratisation de notre société. En même temps, sa stratégie fondatrice, favoriser les riches, les chefs d’entreprises, les jeunes entrepreneurs innovants et avides n’est plus présentable ouvertement, puisque la masse des citoyens s’est rendue compte qu’elle met en cause la cohésion de notre société. Macron en est réduit à faire des petits cadeaux fiscaux aux classes moyennes pour obtenir leur neutralité. Le pire réside dans cette volonté de culpabiliser les français, qui choisiraient volontairement de ne pas travailler, alors qu’il y a en France 4 millions de chômeurs et 1,8 millions de salariés à temps partiel subi, qui ne demandent qu'à travailler plus. Macron proclame que le travail doit rapporter plus ; selon lui, c’est néanmoins l’État qui doit financer toute hausse des salaires par la baisse des dépenses sociales Retenons une phrase d’anthologie : «

Nous devons tourner vraiment nos prestations sociales vers l'incitation à la reprise d'un emploi

 ». Non, la protection sociale a sa logique propre : garantir chacun contre les risques sociaux, lui permettre de satisfaire ses besoins de base. Elle ne peut être subordonnée à l’objectif d’emploi. Macron prétend aider les familles alors que son gouvernement désindexe les prestations familiales. Nous devrons être particulièrement vigilants sur le projet de « Revenu universel d’activité », qui vise à faire des économies sur le dos des plus pauvres et sur celui des familles, à faire peser sur les chômeurs la menace d’une suppression de toutes leurs aides sociales s'ils n’acceptent pas n’importe quel emploi. Comme tous les gouvernements précédents, Macron annonce une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu, l’impôt le plus juste, le plus progressif, le plus redistributif, déjà très faible en France (3,3% du PIB contre 10% en moyenne en Europe). C’est l’inverse qu’il faudrait faire, augmenter l’impôt progressif, réduire les impôts proportionnels (comme la CSG) ou régressifs (comme la TVA). Il prétend réduire les niches fiscales des entreprises, mais en crée une nouvelle, en les autorisant à distribuer, chaque année, une prime non soumise à cotisations sociales et à impôt. En matière de retraite, Macron pratique l’enfumage. Les retraités continueront à perdre du pouvoir d’achat en 2020, comme en 2018 et 2019. Doivent-ils remercier Macron qui promet que la baisse s’arrêtera en 2021 ? Le président annonce que l’âge ouvrant le droit à la retraite restera à 62 ans ; en fait, les salariés partant à cet âge subiront une forte décote (de l’ordre de 20 % de leur pension) sous prétexte de les inciter à continuer à travailler. Malheur à ceux qui ne pourront se maintenir en emploi jusqu’à 65 ans. Enfin, il annonce que la retraite minimale d’un actif ayant eu une carrière complète sera de 1000 euros par mois. Elle est de 962 euros aujourd’hui, alors que la loi de 2003 prenait l’engagement d’une retraite minimale contributive de 85 % du SMIC net, soit 1174 euros aujourd’hui. Un engagement bien sûr non tenu. Macron s’est enfin rendu compte de ce que son objectif proclamé de baisser de 120 000 le nombre de fonctionnaires était incompatible avec le besoin de la population en termes de services publics. La suppression de l’ENA et de l’accès direct aux grands corps serait une bonne chose si elle marquait une volonté de démocratiser et d’élargir l’accès à la haute fonction publique, de remettre en cause l’idéologie actuelle des hauts fonctionnaires, l’utilisation de leur fonction comme marchepied pour des postes de direction dans le privé. Le risque est qu’elle vise à détruire l’esprit du service public et à y transposer les pratiques managériales du secteur privé. Macron devait-il évoquer « l’art d’être français » quand son projet est de détruire le modèle social français mis en place par le Conseil National de la Résistance ?

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